vendredi 31 juillet 2020

Chouf et basta !


Karim Dridi réalise CHOUF en 2016, et pourquoi donc ce film n'a-t-il pas autant frappé les esprits que le récent LES MISERABLES ? Quelle différence au juste entre la misère des cités du 9-3 et la petite pègre des fameux quartiers nord de Marseille, où les caméras du cinéaste se sont installées depuis longtemps ? CHOUF prend de front le problème de la circulation des armes lourdes dans la Cité, des meurtres à répétition entre petites frappes et gros dealers, de la corruption de certains flics qui ferment les yeux en échange de petites faveurs, tant que tout se déroule chez les miséreux de là-haut, et n'aille pas impacter le Centre Ville en bas.

Le point de vue de Karim Dridi a le mérite d'être clair, et de ne pas y aller par quatre chemins. Il n'a pas peur des clichés non plus, comme son collègue Ladjy Li: tous les deux savent de quoi ils parlent; ils en viennent. Le kebab est bien un repaire d'affreux qui n'hésitent à cramer leurs compères dans les terrains vagues, on est chez les petits caïds qui peuvent devenir très gros d'un seul coup avant de se faire fumer à la première faute d'inattention. 

La bonne idée est d'avoir délégué la figure centrale de CHOUF à Sofianne, jeune homme qui était parti de Marseille pour mener des études de commerce, petit fûté qui va tout laisser tomber pour d'abord venger son frangin, tombé devant la barre d'immeuble, puis mettre en application quelques théories business-business qu'il a appris à l'école dans le domaine de la revente de barrettes. Ce personnage de petit malin qui va très vite devenir aussi obtus que tout le monde, plutôt bien vu et très bien écrit.

La limite de CHOUF c'est justement ça: on a un peu de mal à s'ambiancer auprès de pareilles têtes de cons. Ces affreux ont leurs raisons, bien sûr, naître et grandir dans pareil endroit quand on est noir ou reubeu, ça vous bouche quelque peu l'horizon à l'infini, mais on a vite fait de barrer leurs tronches, comme dans un jeu vidéo. On préfère le point de vue "à hauteur d'enfant" que le cinéaste nous apportait dans son beau KHAMSA, par exemple, pas bien joyeux non plus mais qui tentait de s'envoler vers un ailleurs plus lumineux.

Mais en brassant les figures traditionnelles du film de mafieux (Simon Abkarian en parrain libanais à qui on ne la fait pas, un flic excentrique mais bien pourri comme il faut, le caïd du kebab en gros pouf à tête de nounours mais mauvais comme un rat) dans ce quartier-là, "tout près de chez vous", Dridi remplit son contrat haut la main et fait claquer un sérieux savoir-faire en terme de film d'action. C'est suffisamment rare dans le cinéma français pour qu'on le remarque.

Berné en fin de journée par du pas très bon, le genre de polar chic et pas cher, ni trop froid ni trop chaud qui passe en boucle sur nos chaînes TNT d'arrière-cour, cet insipide CRIMES ET POUVOIR de ce bon Carl Franklin qui avait pourtant démarré sa carrière, on s'en souvient, avec l'excellent UN FAUX MOUVEMENT suivi du très bon DIABLE EN ROBE BLEUE, et de se faire aspirer ensuite, comme beaucoup d'autres, par la pompe à billets (il est aujourd'hui surtout, un réalisateur de séries très prisé).

Inspiré d'un thriller nase de ce gros nase de Joseph Finder, voici un film à procès, genre très couru et bien pratique, qui propose ces deux originalités (si on peu appeler ça comme ça): cela se passe en cour de justice militaire, et c'est madame qui défend son troufion de mari, accusé d'avoir jouer le psychopathe à mitrailleuse quelque part en Amérique du Sud. Je n'ai pas envie de faire mon malin mais enfin, sans avoir lu le bouquin mais en ayant consommé pas mal de conneries de ce genre, il m'a fallu dix minutes pour comprendre à quel genre de twist final on allait avoir droit.

Que dire, si ce n'est qu'il faut se raccrocher, comme toujours dans ces cas-là, à autre chose: à Ashley Judd, que j'aime bien et qui a toujours proposé autre chose que des compositions de gentilles potiches, et c'est tout: Morgan Freeman en juriste de la dernière chance (à qui on a refilé le pack complet ancien marine-ancien alcoolo-la boucle d'oreille qui fait cool) est presque insupportable d'aisance et, c'est pas la première fois qu'on le remarque, mais Jim Caviezel est vraiment nul.

Voilà, voilà. Et puis c'est tout..

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