jeudi 8 avril 2021

Hollywood chewing-gum


 Bonjour. Je m'appelle Jim Carrey, et ceci est mon histoire. 

Ne rêvez pas, MEMOIRES FLOUS n'est absolument pas la biographie du comédien, on est allé vérifier. Non, Jim ne prépare pas une version cinoche d'un jeu vintage où il est question d' Hippogloutons, comme il le raconte, et il est peu probable que Charlie Kaufmann l'ait branché un jour pour interpréter le Président Mao dans un biopic de son crû, financé par un milliardaire taïwanais en délicatesse avec Pékin. Alors, que penser de la présence de sir Anthony Hopkins  à ses côtés en coach de luxe et véritable ami pour l'aider à entrer dans le personnage ? Après tout, il a bien incarné Nixon, un jour. Et il a été parmi les premiers, aussi, à remarquer le génie de Carrey.

Il semble que Carrey se soit fait remarquer aux Etats-Unis avec le Grinch, The Mask et Ace Ventura, détective chiens et chats, rien de bien mirobolant sur l'indice CAC-40 du cinéphile ronchon. Mais avec ces idioties, Jim est devenu millionnaire. Dumb & Dumber, Disjoncté ou Fou d'Irène, aussi. C'était gravos et régressif en même temps. Un régal. Vous savez, Carrey c'est l'acteur azimuté qui sait si bien incarner les schizos ou les benêts de concours avec un visage qu'on croirait fait en pâte Play-doh. Un sacré numéro.

Putain de phénomène.

Jim parle de lui à la troisième personne, comme Delon. Pas sûr, donc, qu'il raconte ce qu'il est vraiment mais plutôt: ce qu'il pourrait être. Ce qu'il voudrait être ? Ce qu'il a peur d'être ? Ce qu'il est dans sa tête ? Car disons-le tout net: MEMOIRES FLOUS est un incommensurable bordel. S'il se raconte comme il regarderait quelqu'un d'autre vivre dans un bocal, ça n'est pas du tout un trip Alain Delon. Jim est sûr d'être un acteur génial, - il a tout fait pour ça - mais pour le reste, il s'estime autant qu'une branche de céleri trempant dans un verre ébréché rempli d'eau plate. Jim ne va pas bien du tout.


Sur l'acteur, qu'apprend-on ? Que ETERNAL SUNSHINE ON THE SPOTLESS MIND est son film préféré, qu'il en cauchermarde encore de n'avoir jamais décroché l'Oscar, au moins pour MAN ON THE MOON. Merde enfin. D'ailleurs, il se surprend une fois à rêver que Daniel Day Lewis en personne, ce winner multi-oscarisé, lui décerne enfin la statuette avec une moue qui ne dit rien d'autre que ça: Ah mais oui, enfin,  que c'est mérité !

Vérification faite, il n'a jamais épousé non plus une certaine Georgie, ex-héroïne de téléréalité et d'une série intitulée OKSANA (des tueuses soviétiques conçues en éprouvette à partir de l'ADN de Staline) qui va même taper dans l'oeil de Tarantino qui veut en faire la star de son prochain opus.

Au chapitre people, on apprendra que Tommy Lee Jones est un énorme connard (à moins que ce ne soit une blague entre eux, allez savoir), que Tom Cruise vous collerait un procès si vous le citez sans permission (mais on l'a reconnu, même sous pseudo, c'est la star la plus bankable de la wedding-party avec Jim, et il arrive au bras de Katy Holmes).


Gwyneth Paltrow est complètement cintrée, Sean Penn fume des Camel sans filtre les unes après les autres et le meilleur ami de Jim, - et là, on est franchement ravi de les voir ensemble, ces deux ennemis jurés du jeu intérieur et de la retenue pincée du slip -, c'est Nicholas Cage ! Cage collectionne des crânes de dinosaures collectés aux quatre coins du monde ainsi que les armes  blanches millénaires, et il s'est fait bâtir un dojo sur un terrain de sable noir où il se bat, pour la détente, avec son meilleur ami.

Pourquoi donc MEMOIRES FLOUS se transforme en mauvaise pulp de science-fiction, avec invasion d'aliens dans des exosquelettes de six mètres de haut, ravageant au rayon de la mort un centre commercial où s'est réfugié le gratin de Mullholand Drive (après un brunch en compagnie de Tom Hanks et des Spielberg)? Sean Penn, Paltrow et Cage meurent comme à la fin d'une série Netflix toute pourrie. Le final désastreux de ce "bouquin" ni fait ni à faire débute par un incendie qui ravage les collines de Hollywood. Peut-être que ce fait avéré (des incendies à répétition en Californie ces dernières années) qui ont peut-être abîmé sa chouette villa, conjugué au manque de perspective dans sa carrière laissée à l'abandon depuis, selon lui, une scène de sodomie dans I LOVE YOU, PHILLIP MORRIS... bref tout s'est mélangé dans sa tête et le résultat, pour amusant qu'il soit, fait peur.


Un acteur bien de chez nous, Vincent Cassel qui a un pied ici, et de temps en temps un pied à Hollywood l'a bien dit: les grandes vedettes là-bas sont soit camées, soit alcoolos, soit complètement tarées. Pas leur faute, non, mais la pression est si énorme qu'il leur faut bien un échappatoire...

Diagnostic sans fioriture: Jim frôle la camisole à chaque page, pour ce qui m'a tout l'air d'être une dépression au long cours qui s'aggrave au fil du temps. Hollywood a fait sa gloire mais ce sont ces grands navets qui l'ont rendu riche et célèbre. Il a dynamité l'art de la clownerie en mille grimaces mais c'est chez les grands cinéastes qu'il aurait du faire son nid. Gondry, Weir, Forman... Comment survivre à ce qu'on est lorsqu'on sait qu'on est quelqu'un d'autre ?...


DANS LA TETE DE JIM CARREY aurait été un titre qui nous aurait préparé à ce que contient ce truc. A vrai dire, on ne comprend pas bien pourquoi il a fait ça. Ce n'est ni une autobiographie, ni un roman... on ne sait même pas ce qu'il raconte. Se prend-il toujours pour Andy Kaufman ? Ou pour Tony Clifton, son double abruti ?

On pense au MAPS OF THE STARS de Cronenberg, qui nous montrait Hollywood comme un attroupement de psychotiques autour d'un saladier rempli de viagra. Plus bizarrement, au démesurément cinglé SOUTHLAND TALES de Richard Kelly, ou au paranoïaque UNDER THE SILVER LAKE, avec son L.A. souterrain qui manipulait celui d'en haut. On est dans le baroque techno comme dans la confusion la plus totale.

On ne sait pas où on est dans ces MEMOIRES FLOUS. Carrey écrit comme il joue et là, pour le coup, c'est assez insupportable. Et pas si drôle que ça. 

Flippant, même.