lundi 3 août 2020

Zéro + zéro = la tête à Gogo


Godard... Godard, Godard Godard... Entre 1968 et 1980, donc, Godard disparut quelque part entre le cinéma politique et les radars du bon sens commun pour opérer en rase-motte une remise en cause radicale de son savoir-faire cinématographique et ne plus s'adresser qu'à celles et ceux qui voulaient absolument persister à le suivre malgré... malgré ça.

Godard, c'est WEEK-END en 1967 et SAUVE QUI PEUT (LA VIE) en 1980, où il revient à quelque chose de faussement plus visible (retour aux vedettes, à un semblant de romanesque qui n'en est pas un), et avec au milieu un entre-deux qui fait comme un vide. Premier film de cette sale période (qu'on appellera "du grand vide" ou "sauve qui peut (le vide)" pour faire bien), ONE + ONE est donc celui, resté fameux, qui célèbre la rencontre entre ces deux icônes pop de la période, chien et chat,  France et Angleterre, Nouvelle Vague et rock'n'roll, Godard et les Rolling Stones, rien que ça.

Dans n'importe quel Godard, il n'y a que des fulgurances, et de fâcheux à-côtés entretenus par l'animal lui-même à grands coups de sentences fulminantes et de coups de semonce lâchés comme des bombes, au hasard, avec la joie parfois que cela tombe juste. A partir de MADE IN USA (1966, quand même), Godard m'a perdu dans ces sales manies, alors même que je n'étais pas encore né (il est fort, quand même). Après ONE + ONE, je ne sais pas qui a pu le suivre, et résonne encore la fameuse sentence de l'(ex-) copain Truffaut: "tu n'es qu'une merde sur un socle" en réponse à une remarque acerbe, "prise de haut" qui lui était adressée dans une lettre.

Je n'arrive pas à me débarrasser de certaines images de JLG (en plus d'autres, où il se montre acide mais souriant, piquant mais juste): en train d'humilier son chef-opérateur sur le tournage de DETECTIVE (Pierre-William Glenn, je crois), posant un lapin à Agnès Varda devant sa maison de Rolle (dans VISAGES, VILLAGES), ou d'Assayas dans un documentaire récent avouant qu'il aurait bien voulu montrer ses films à Truffaut pour expertise, mais à JLG, jamais: la peur de se faire "démonter".

Fulgurances: ONE + ONE, c'est la captation, en live, de l'enregistrement, répétition après répétition du fameux "Sympathy for the devil" des Stones, merveilleux hasard quand même, qui a voulu que JLG soit présent pour cette chanson-là (une de leurs meilleures) et pas pour une autre. Un drôle de moment de l'histoire du rock (la naissance d'un vrai classique), capté à distance, mais avec une acuité impitoyable (Brian Jones en fin de course abandonné dans un coin avec sa guitare sèche, dont on a l'impression parfois qu'elle n'est même pas branchée), la main-mise de Jagger sur l'enregistrement, la disponibilité attentive du tandem Wyman-Watts, où Godard s'affirme comme un filmeur élégant, semblant danser avec sa caméra autour du miracle en cours, capté à distance mais d'assez près pour tout en apercevoir.

Il n'y a que "Les Cahiers" pour comprendre: entrecouper cette séance d'enregistrement par du Godard d'époque: textes politiques lus à voix haute, scènes de guerillas ridicules tournés dans une casse, censée représenter un ghetto noir, je suppose: les Stones jouaient du blues, ça vient de là, donc de la musique black, black panthers, pop-culture, couvertures de magasines pulp ou pornos, pastiches de romans de cul lus à voix haute avec inserts de personnalités politiques dedans: n'importe quoi. Le cinéma idéologique de ces années-là a fourni un lot considérable de pellicule pas possible, et JLG en a pourvu quelques centaines de kilomètres... et pour pas grand chose.


Heureusement, Bruce Lee est arrivé. Enfin son clone, plutôt, il s'appelle Evan C. Kim et il fait très bien, lui aussi, le chinois torse-nu qui pousse des petits cris en cassant des tronches: c'est dans le segment le plus long de ce film à sketch débiloïde historique qui a donné le coup d'envoi à la vague John Belushi- Zucker-Abrahams-Zucker (ici co-scénaristes), zazous et zinzins venus du stand-up ou des shows télévisés. Je suis donc allé re-vérifier que HAMBURGER FILM SANDWICH était un film très drôle (tout comme j'étais retourné vérifier auparavant que ONE + ONE était un truc fait qu'à moitié).

Fous-rires aux mêmes endroits (comme lors de ce superbe panoramique en hélicoptère au-dessus de la Statue de la Liberté et la baie de l'Hudson avec ce panneau qui arrive, en toute décontraction: "Hong-Kong"), gags qui flirtent en permanence avec le pipi-caca et, le plus souvent avec l'obsession toute transpirante de l'adolescent moyen obsédé par la branlette, qui trouve son apogée érectile lors de la formidable (fausse) bande-annonce de ce chef d'oeuvre (qui n'existe pas): "Catholic high school girls in trouble" .

HAMBURGER FILM SANDWICH n'est pas le vrai titre de cette pochade d'anthologie, son vrai nom, c'est THE KENTUCKY FRIED MOVIE. Même les traducteurs ont fait les pignoufs, c'est admirable. Vive les années 70, vive les étudiantes des lycées catholiques, vive John Landis, vive le kung-fu ! 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire