lundi 13 juillet 2020

Sorcières.


Avant d'être ce long-métrage dont je vais vous parler, KRISHA (2015) a été un court, réalisé un an plus tôt avec à peu près les mêmes acteurs, et la même histoire: Krisha est une sexagénaire qui débarque chez sa soeur, dans leur grande maison, avec leurs chiens, les enfants, les neveux, les petits neveux, le petit dernier qui vient de naître, tout le monde a l'air bien content de se retrouver. Or, Krisha qu'on a d'abord découverte en train de s'énerver, sa valise à bout de bras, en train de chercher le bon numéro de porte dans ce quartier résidentiel huppé, et jurant à tour de bras, a d'emblée l'air d'un drôle de numéro. C'est Thanksgiving, et pendant que sa soeur part chercher leur très vieille maman à l'hospice, Krisha s'atèle à la préparation de la dinde.

La lente montée en malaise va d'abord s'opérer via une tentative de discussion manquée avec un jeune homme dont on devine assez vite qu'il s'agit de son fils, pas très heureux de la voir et qui s'enferme dans un mutisme paniqué. Deuxième accro lorsqu'une discussion décontractée avec son beau-frère dérape on ne sait trop pourquoi de la franche rigolade à l'engueulade butée, sur un mot de travers qui nous avait échappé.

Trey Edward Shults a sans doute quelques comptes à rendre, pour avoir eu besoin de raconter cette histoire en deux versions successives et on ne cherchera pas à aller fouiner dans son autobiographie pour y faire ses courses en potins. Petit indice quand même, c'est lui qui incarne... Trey, le fils de Krisha. Krisha qui est interprétée par... Krisha Fairchild, qui joue aux côtés de ses deux soeurs.

Sans savoir, donc, s'il s'agit d'une sorte de FESTEN à la mode Wasp mais "pour de vrai", sorte de psychothérapie familiale en live, en quelques sortes, KRISHA finit par aborder de front le fond du problème; la personnalité borderline de cette vieille dame indigne, mère indigne, peut-être maltraitante, qui tente de se sortir sans grand succès apparent de quelques addictions et de violents troubles bipolaires. A sa trousse de toilettes bourrée jusqu'à la gueule de boîte de médocs, vient s'ajouter la bouteille, lorsqu'après avoir vu sa mère, vieille dame en chaise roulante dont on ne saura pas si elle a fait semblant, ou pas, de ne pas la reconnaître, elle s'en descend une face à la glace de sa salle de bain, juste avant la catastrophe et que n'éclate la "Krisha d'avant".

Le film n'a pas toujours la tenue de sa mise-en-place crispante, avec sa manière de coller aux basques de son personnage (Krisha Fairchild est absolument extraordinaire), à la Dardenne, avec une bande originale discordante très entêtante avec laquelle les scènes de pétage de plomb finales finissent par faire double emploi. Dommage que le cinéaste ait choisi de conclure sur une note hystérique; le personnage méritait peut-être mieux, peut-être une rémission par le dialogue, comme au début, mais apparemment impossible.

Elle qui prétendait au début, et sans rire, travailler à devenir une meilleure personne, n'aura donc pas droit à une seconde chance. Le film non plus.


THE OLD GUARD vient juste de sortir, et c'est Neteuflix qui régale ! Gina Prince-Bythewood a donc adapté un comic-book musclé de Greg Rucka, et même si ni DC Comics, ni Marvel, super-héros quand même. Car voilà-ti-pas que v'la une bande de zigs dont le job, c'est mercenaires et qu'ils sont immortels, dis donc. 

Voilà voilà. En se tirant un peu la nouille, on pourra pointer ici et là quelques particularités bien dans l'air du temps: les nanas mènent la danse et tapent plus dur que tout le monde dans les bastons (Charlize Theron est une immortelle qui vient de l'Antiquité, alors c'est elle la plus forte, c'est aussi elle qui a produit le film), et le scénario distribue les bons rôles  et les mauvais comme on ferait un tri de lentilles: autant de femmes que de mecs, de noirs que de blancs, d'anglo-saxons que d'animaux exotiques (un Belge, un Italien, un Reubeu), et dans cette bande de cinq mercenaires, deux homos qui s'aiment de toute leur tendresse immortelle.

On espère que Mathias Schoonaerts et Luca Marinelli (qui a été Martin Eden dans un film récent) se sont bien amusés et ont touché un bon chèque, et qu'ils ne se laisseront pas prendre trop souvent dans ce genre de numéro mâchoire crispée-regard d'acier-coup de pied retourné, ce que leurs physiques et leurs bonnes gueules de boxeurs appellent, du moins à Hollywood.

Dommage quand même que les script-doctors de ce cafouillis bruyant et sanglant, mix de jeu vidéo, de Punisher et de Wolverine pour la cicatrisation express, n'aient pas voulu jouer la carte du politiquement incorrect. Il y avait pourtant de quoi faire (il y a toujours de quoi faire, bande de feignasses !), autant dans le politique (une allusion aux sorcières du moyen-âge bienvenue, la loi du marché et sa violence privatisée), que dans le cra-cra; le seul moment saisissant reste sans doute l'histoire de cette immortelle enfermée dans un caisson au fond de la mer, se noyant et ressuscitant sans cesse depuis plus de 500 ans, et que le scénario sort de l'eau (je vous spoile et je m'en fous) sur un tour de passe-passe honteusement paresseux.

Charlize Theron nous refait tantôt le coup de sa Furiosa madmaxienne, tantôt son défilé Dior-j'adore. Mais autant sa prestation, tout sauf inattendue, laisse de marbre, autant la morale gnan-gnan de son dénouement pas possible (je vous spoile, ou quoi ?...) aura fini de nous achever.

Quand la jeune héroïne tombe du seizième étage avec le méchant sous le bras (elle s'en sortira, pas lui évidemment), et qu'ils se fracassent sur le toit d'une voiture tout en bas, c'est bien sûr dans la caisse garée juste à côté que nos héros se barrent. Cela devait être plus pratique, le film devait être en fin de budget, on pouvait pas la garer ailleurs.

A force de tout rabaisser comme ça, même le film de super-héros, rendez-vous compte !, Neteuflix aura vite fait de renvoyer tout le monde en salles. Vivement !




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