Réalisé en 1920, la version aujourd'hui disponible est un rafistolage des pellicules originales sauvegardées avec une version espagnole elle-même tronquée... aussi le film qui subsiste, rescapé des ravages du temps et de l'oubli, est bien entendu pleine de trous, auquel il a fallu rajouter des intertitres.
C'est un document assez fabuleux, qui prouve bien que les Etats-Unis engloutissent les oeuvres qui les arrangent. C'est une sorte de mélodrame à la Griffith, mais à l'envers, avec son orpheline, les coups du destin, les relations et jalousies amoureuses croisées, avec ses coups de théatre attendus et son happy-end de circonstance. Comme le film retrace l'histoire édifiante d'une jeune femme noire instruite, partagée entre plusieurs prétendants, les rebondissements surgissent non seulement des bassesses des Noirs entre eux, de leurs lâchetés parfois, mais aussi de l'injustice et la violence des Blancs.
Un instant, on a peur que WITHIN OUR GATES nous raconte comment un projet d'école pour les enfants Noirs défavorisés a été sauvé par la rencontre de Sylvia avec cette richissime dame blanche qui finit par lui signer un chèque de 50000 dollars. Oscar Micheaux était sûrement assez conscient que la libération des Noirs ne pouvait se faire qu'avec l'aide de certains Blancs. Ailleurs, - nous sommes quand même en 1920 et c'est à cela qu'il faut mesurer le courage du film, on assiste à une scène de lynchage sans fioriture, avec un gamin voulant fuir qui se fait tirer dans le dos, ou encore cette tentative de viol dont est victime Sylvia: son agresseur, un Blanc, n'est autre que son père. Des images qui ont du frapper les esprits à l'époque, même si la distribution du film s'est cantonné à certaines villes, et n'a pas du être beaucoup vu en Alabama ou dans le Mississipi.
Difficile, en tous cas, de parfaitement juger un film à qui il manque pas mal d'épisodes, mais c'est surtout sur le champ de la construction narrative que le film épate: osant de longues disgressions en flash-backs sur le passé de plusieurs personnages, il est fort à parier que le film, en plus, avait du sembler très novateur à l'époque, et dérouter.
Belle réponse au NAISSANCE D'UNE NATION de Griffith, en tout cas, réalisé cinq ans auparavant, qui avait fait faire des pas de géant au 7° art, tout en en glorifiant les charniers du passé esclavagiste de son pays. Comme l'a bien écrit Guillaume Erner dans un article récent de Charlie: "la situation aux Etats-Unis (aujourd'hui, en 2020) donne le vertige. La guerre de Sécession s'est achevée en 1895, et cependant aucun travail de mémoire sérieux n'a été accompli. La situation actuelle du pays est une conséquence évidente de cet impensé."
Si même l'histoire du cinéma a choisi jusqu'à récemment de glorifier le génie de Griffith plutôt que celui de Micheaux et d'autres oubliés, c'était bien dans cet esprit complice. L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs, c'est bien connu.
Chargé d'une douce tension sexuelle qui donne au film de Hogg des airs de CALL ME BY YOUR NAME hétéro (pas chez les intellos cette fois, mais chez d'authentiques parvenus, vaguement vulgaires), UNRELATED se partage entre jeux alcoolisés au bord de la piscine, fumette dans les champs brûlants et flirts adolescents. Et justement Anna, qui débarque sans son conjoint, n'a plus vingt ans mais finit par en pincer pour le bel et arrogant Oakley (Hiddleston).
La comédienne Kathryn Worth, qui joue Anna, est vraiment formidable en femme encore séduisante mais qui s'est persuadée que ces années "jeune et jolie" allaient bientôt sonner leur tocsin, et qui accepte de participer aux jeux adolescents pas toujours subtils de cette bande de jeunes en roue libre hormonale. Ce qui lui arrive confine au conte cruel, et quand le retour de bâton arrive (les jeunes la trouvent chouette mais préfèrent rester entre eux, rétablissement brutal de l'autorité parentale après une grosse connerie), le film préfère renvoyer tout ce petit monde au pays: les adultes à leur business, les gamins à leurs universités privées, et Anna à son mari vers qui, finalement, elle trouve pas si mal de retourner.
Comme on aurait préféré un peu plus de malaise et de violences dans le dénouement de ces ardeurs estivales, on se contentera de cette morale douce-amère. Tout est en ordre, chacun à sa place (every thing is allright, comme dirait l'autre), on espère que l'année prochaine il fera aussi beau, et qu'on s'éclatera un peu plus.
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