Quel peps, quelle pêche, quelle absence totale de complexe, c'est magnifique, et même étourdissant: au gré des caméras dont on activait la manivelle plus ou moins vite, les cavaliers filent à des vitesses hallucinantes au loin, dans le désert, laissant derrière eux un nuage de fumée qu'on distingue parfaitement dans le paysage vide. Quand les milices du shériff déboulent sur les bandits en fuite, c'est cinquante figurants et leurs montures qui forment des arabesques splendides lors de plans filmés du haut de la colline, et le gunfight final, foire d'empoigne générale aperçue dans des nuages de poussière, et au milieu de cactus géants, est un grand moment de plaisir gratuit: pour faire court, Dwan insère un panneau au milieu de la bagarre: "L'ultime survivant de la bande de The Wolf". Un cow-boy grimaçant qui se tient la poitrine et s'effondre, cut, hop-la, c'est terminé.
Pour le plaisir d'enfin apercevoir Douglas Fairbanks dans ses oeuvres, qui incarna tous les héros possibles du répertoire (dont Zorro), le Brad Pitt de l'époque qui n'était en fait qu'un petit bonhomme à la figure bien sympathique et au sourire tout en dents blanches. Merci, vraiment, pour ce moment de pur plaisir enfantin. Et pour vous dire que cela date, un certain D.W. Griffith est crédité au générique en tant qu'assistant-réalisateur. Comme le temps passe.
C'était une journée cinoche pan-pan-t'es-mort, puisque j'ai vu, aussi, TOKYO DRIFTER (alias "Le vagabond de Tokyo", 1966), polar kitsch sous emprise yé-yé-salut les copains, tourné par le grand Seijun Suzuki, qui tourna plus d'un film par an pendant plus d'un demi-siècle. Son film le plus fameux restant LA MARQUE DU TUEUR, film de yakuza presque surréaliste avec son tueur joufflu à lunettes noires. On ne fera pas trop la fine bouche face à ce TOKYO DRIFTER qui défouraille pas mal avec, toujours, un fond musical très Grand Orchestre de Claude Bolling assez charmant, mais fatigant à la longue.
Objet pop estampillé culte pour certains, le film se regarde avec un réel plaisir jusqu'à un certain point, jusqu'à ce moment fatidique où, au gré des retournements de situation et des changements de camp, on ne comprenne plus trop pourquoi un tel tire sur un tel, et pourquoi celui-là revient alors qu'il était mort: un sacré foutoir !
Heureusement, Suzuki émaille ses cadres de couleurs très 60's vraiment scintillantes au milieu de décors aussi gigantesques que warholiens. Ainsi, on est un peu aidé par la couleur des costumes (rouge pour le méchant, vert pour le comparse sympa, blanc pour le héros de l'histoire, ex-yakuza qui aimerait bien que sa vie devienne un peu plus zen). Les effusions de sang ne sont pas trop explosives, les combats très chorégraphiés ont toujours une petite part de comédie: on comprend que lors de l'empoignade générale dans ce bar où traînent des marins américains, Suzuki a voulu faire sa grande scène "à la Blake Edwards" qui, ma foi, est tout sauf ridicule.
L'Anglais John Madden est ce genre de cinéaste touche-à-tout sans réelle envergure, mais à la main ferme, qui n'a rien d'une flèche, mais soigne le job. Ce qu'il a réussi en premier lieu ici, c'est la distribution des rôles: Rourke avec son visage en plastique et sa vieille carcasse fatiguée est parfait en Armand "Blackbird", vieux tueur éreinté, Diane Lane était faite pour ce rôle de femme au foyer pleine de ressources face à l'adversité, Joseph Gordon-Levitt fait un numéro assez goûteux de jeune con dangereux, à la Gary Oldman, et Thomas Jane est parfait en brave gaillard tranquille à qui il ne faut pas chercher des noises (il a des bras comme ça, les mecs, faites gaffe...)
L'intrigue est trop tarabiscotée pour qu'on la résume, mais c'est du pur Elmore: mettez ces personnages-là dans un bidon, secouez bien, enclenchez sur un ou deux malentendus après avoir révélé les failles de chaque personnage, et en avant. Le plaisir est presque augmenté lorsqu'on a lu le bouquin: quand les deux tueurs débarquent et tombent sur Thomas Jane, qu'ils prennent pour leur cible (c'est de là que ça part), on pouffe d'avance à ce qui va leur tomber sur le coin du nez.
Mais le grand copain d'Elmore, Donald Westlake en personne, le disait à qui voulait bien l'entendre: Leonard a l'air d'être facile comme ça, mais il n'y a vraiment aucune poche d'air entre les lignes, et les personnages, derrière leur simplisme de façade, sont tous écrits avec un art d'orfèvre. Jusqu'aux seconds rôles juste de passage: la pauvre Rosario Dawson, en petite bombe sexuelle aussi belle que stupide (elle ne peut pas s'empêcher de frémir à l'approche du moindre mauvais garçon, même vieux et môche), tient là un de ses rôles les plus inoubliables.
Il fut une époque où, sous l'influence de Tarantino et de son JACKIE BROWN, tout le monde voulait adapter son Elmore. Depuis l'excellente série JUSTIFIED avec son shérif cool mais soupe-au-lait Raylan Givens, plus personne ne s'y colle et ça, c'est nul.
Il fut une époque où, sous l'influence de Tarantino et de son JACKIE BROWN, tout le monde voulait adapter son Elmore. Depuis l'excellente série JUSTIFIED avec son shérif cool mais soupe-au-lait Raylan Givens, plus personne ne s'y colle et ça, c'est nul.
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