mercredi 24 juin 2020

Joue-la comme Carpenter.


Vous ne connaissiez pas Nimrod Eldar, et moi non plus. Jeune cinéaste israélien dont le dernier film, THE DAY AFTER I'M GONE a été remarqué au festival de Berlin, l'an dernier, Eldar appartient à une génération de cinéastes qui n'est guère gâtée par le contexte politique dans lequel elle évolue. Prenant un biais intimiste pour parler de son pays, cette chronique d'une douleur familiale (se remettre de la mort d'une mère et d'une épouse, se remettre de la tentative de suicide de sa fille), trouve sa résolution après un week-end passé aux côtés de membres éloignés de la famille, pour qui la situation a l'air moins traumatique, mais insoluble.

Veuf depuis plus d'un an, Yoram ne sait plus par quel bout prendre sa fille unique de 17 ans, Roni, qui manque de se tuer aux barbituriques. Jeune fille très intelligente, très attachée au souvenir de sa mère et souffrant d'un problème de surpoids, l'adolescente mène la vie dure à son père, à grands coups de silences et d'absences injustifiées. Du reste, comme Yoram est un homme de peu de mots, qu'on suppose encore plus renfermé depuis la mort de sa femme, et qui a du mal établir (rétablir ?) un début de dialogue avec elle, l'histoire est compliquée.

Dommage que le film n'insiste pas plus, dans sa première partie, sur les rapports entre Yoram et une de ses collègues de travail, qui le taquine, le drague peut-être, à coups d'adages tout faits et de superstitions absurdes, lui proposant des solutions bidon à ses tourments. Yoram est médecin vétérinaire au zoo de Tel Aviv, c'est un homme rationnel, posé, athée, qui ne sait pas par quel bout prendre le problème, et lorsque sa collègue lui propose d'"amener la petite" au travail, comme avant, elle qui adore les animaux, c'est tout juste s'il tend l'oreille.

Sans doute par lâcheté, Yoram emmène sa fille chez ses beaux-parents qui habitent un village en territoire occupé, une partie de sa famille qui ne l'a jamais apprécié (c'est un intellectuel, ce sont des colons aux convictions nationalistes qui ont viré depuis longtemps à l'hostilité), et en passant outre la promesse faite à sa fille de ne pas parler de son suicide manqué, va enfin déclencher des cris et des larmes, ce dont on le devine bien incapable.

Le film se contente de régler la question en confrontant le mal-être de Roni au mal-être et à la bêtise un peu crasse de ses oncles et cousins. Pour mieux supporter votre douleur, semble nous dire ce film, voyez donc comment les autres en bavent. C'est une manière sûrement efficace de voir les choses, avec un brin de condescendance pour ces "beaufs" mais... à la guerre comme à la guerre. On sera un peu plus circonspect sur la raison d'être du film, qui ne serait pas grand chose sans la description du climat politique tendu qui règne en Israël, imprégnant les rapports entre les membres d'une même famille. Sans, surtout, la présence de la jeune actrice Zohar Meidan, dont les expressions et le visage sont d'une beauté stupéfiante.


Rien à voir du tout du tout du tout, mais l'éclectisme est la marque de ce blog, comme de mes goûts, aussi j'ai pu voir ce fameux ARES, réalisé en 2016 par Jean-Patrick Benes, une des rares tentatives de SF à la française, qui s'est d'ailleurs pris un bouillon à sa sortie, malgré des critiques pas forcément négatives.

C'est pas mal du tout, avec ce Paris dans un "futur immédiat" où les politiques ne font plus semblant d'être au pouvoir et ont tout abandonné aux mains des multinationales. Dans un monde où tout le monde a le droit de tout faire (sauf de circuler avec des armes dans les espaces publics, c'est signalé à tout bout de champ comme une alerte Covid-19), les corps humains sont eux aussi à vendre, comme les paquets de nouilles, et les 15 millions de chômeurs qui survivent en bas, dans les poubelles, ont bien été dressés à être d'accord avec tout ça.

Notre héros, Arès (l'acteur Suédois Ola Rapace, qui joue comme une bout de bois, mais dont le manque d'expressivité sert très bien le personnage) est un vieux free-fighter qui a été grand, mais n'est plus grand chose. Il accepte, pour une belle somme d'argent de prendre un produit, - tous les produits dopants, comme tous les coups, sont permis - qu'il semble être le seul à supporter, et retourne dans la cage.

Sur la marchandisation des corps et des esprits, on en a lu et vu autant ailleurs, mais le film de Benes, avec son esthétique pas compliquée (il semble avoir été tourné dans deux endroits empruntés à BLADE RUNNER: dans l'immeuble de J.F. Sebastian pour la plèbe, en haut du Tyrell Building pour les pontes du Cac40), ne réserve pas de grandes surprises, mais il fait le job beaucoup mieux que, par exemple et au hasard, les tentatives cinoche de Enki Bilal. Il a préféré se la jouer Carpenter, et il a bien eu raison.

Bien sûr, ARES ne peut que parler à ceux qui s'inquiètent de l'évolution des choses, et voir le grand patron Louis-Do de Lensquesaing passer par la fenêtre du 40éme étage donne le sourire. Le film n'est pas vieux, et très dans l'air du temps, a très bien su capter les prémisses gilets jaunes du tournant social et politique qui vient.

Alors on vous le répète: aux armes, aux manches de pioche, etc !... Cette bonne série B, claire comme de l'eau de roche, et bien teigneuse comme il faut, est un excellent remède à un sale édito BFM-LRM. On saluera au passage  l'excellent Micha Lescot qui fait un très beau numéro en Myosotis, mi-travelo, mi-nounou, et dont chaque apparition apporte pas mal d'air frais à ces espaces... confinés. Bravo à lui.

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