Parfois, on tombe sur des pépites dans le cinéma de minuit de Patrick Brion. Parfois, non. Grand adorateur du cinéma italien de l'âge d'or, Brion a déniché pour nous DANS LES FAUBOURGS DE LA VILLE (1953), mélo policier signé Carlo Lizzani. Tout est mou des genoux dans ce film "noir", à commencer par l'intrigue que des scénaristes un peu tête-ailleurs, sûrement, ont oublié de formater un minimum. Une femme de petite vertu est assassinée, c'est un de ses anciens amants, ouvrier marié, qui est le principal suspect.
Dès le début du film, une scène d'évasion tirée par les cheveux qui ne trouve nulle part sa justification, on se dit qu'on va bailler aux corneilles, et ça ne rate pas. Malgré la présence du beau Massimo Girotti en avocat de la défense pas très perspicace, et la Giulietta Massina qui incarne la légitime du faux-coupable en jouant de ses grands yeux mouillés du début jusqu'à la fin, malgré les efforts de Lizzani pour marcher sur les traces d'un certain néo-réalisme à l'italienne (l'Italie des petites gens, des bidonvilles malfamés et de la misère morale), le film est trop empêtré dans ses indécisions scénaristiques (vraiment, cette histoire est un vrai gruyère, à la limite de la cohérence) pour accrocher plus d'une minute l'attention.
Tout juste appréciera-t-on l'importance des a-priori "de classe" (l'avocat bourgeois humiliant un témoin un peu clochard, le poussant au suicide, son assistante issue du peuple, follement amoureuse de lui et qui tente de faire un pont entre leurs deux mondes) qui auraient pu fournir un moteur plus performant à cette intrigue souffreteuse.
C'est Mubi, toujours Mubi qui m'a fait découvrir le cinéma de Shyam Benegal avec une merveille, sans doute son film le plus célèbre, ANKUR. Deuxième tournée avec un autre superbe mélodrame, BHUMIKA: THE ROLE (1977), sorte de biopic inspirée du destin d'une star du cinéma Indien, Hansa Wadkar. Une manière de filer dans les coulisses de Bollywood, ses comédies musicales dorures-paillettes, ces drames exubérants.
La figure de cette star nous est bien évidemment complètement étrangère, aussi notre regard d'Occidental s'étonnera de ce destin étrange (une jeune fille élevée pour être une grande chanteuse, tôt mariée à un oncle amoureux d'elle, qui va devenir une grande vedette sans jamais pouvoir accéder à un semblant de liberté), qui la verra passer de star adulée à épouse réprouvée. Femme fatale malgré elle, de par sa notoriété et sa grande beauté, l'artiste devra pourtant faire appel à une aide extérieur pour se défaire d'un riche amant rigoriste qui ne lui permet pas de s'échapper de son domaine ("chez moi, aucune femme n'a pu quitter la propriété sans y être autorisée"). On en reste bouche bée, bien évidemment, mais cette histoire tragique n'étonnera pas ceux qui s'intéressent à la culture indienne. Dans ces romans, ces films, les drames tournent le plus souvent autour des problèmes des castes, des luttes religieuses, du poids des traditions ou de la condition des femmes.
Le cinéma de Shyam Bénégal est passionnant (ça n'est que le deuxième film que je vois de lui, mais allons-y: généralisons !) parce qu'en plus d'être formellement riche (la reconstitution des studios des cinéma fait de BHUMIKA une sorte d'ENSORCELES made in India), il insiste sur la force de caractères des femmes, des mères et des épouses en faisant des hommes des rustres patauds, de lâches indolents. D'ailleurs, on aura remarqué que dans ses films comme dans tout le cinéma indien, les hommes sont bien souvent moches et les femmes incroyablement belles (petite remarque gratuite en passant, mais qui correspond à un ressenti qui se vérifie à chaque fois).
Si Satyajit Ray est le grand cinéaste humaniste et lettré dans une certaine tradition des Lumières, Benegal serait alors le grand cinéaste des causes féministes. Il y en a quelques autres à voir sur Mubi, alors je vous en reparlerai sûrement.
SHE-MAN (A story of fixation) de Bob Clark (1967) est une autre paire de manche car, soyez prévenus, vous pouvez le dégoter sur la chaîne NWR, le petit plaisir que s'est offert ce grand excentrique de Nicolas Winding Refn. Le Danois timbré a tenu a retrouver, restaurer et diffuser certains films "bis" (c'est rien de le dire...). Cela en dit long sur la cinéphilie déviante de NWR, et cela n'étonnera que ceux qui trouvent son cinéma absolument normal.
Entre autres petits monstres, Refn a donc tilté sur ce premier long-métrage de Bob Clark. Ce Bob Clark qui n'est pas n'importe qui, car il a signé quelques excellentes choses dans les années 70 et 80, LE MORT-VIVANT, MEURTRES PAR DECRET et même un chef d'oeuvre du film d'épouvante: BLACK CHRISTMAS (pour ensuite aller se perdre un peu avec des productions style PORKY'S...).
Sans savoir ce qui travaillait Clark pour filmer ça, disons tout de même que nous avons affaire ici à quelque chose de tout à fait aberrant: un p'tit gars bien costaud revenu de Corée se retrouve la victime d'un chantage (il se serait comporté comme une chiffe molle dans les tranchées), et forcé de s'habiller en soubrette et de servir de bonniche à un travesti assez canon qui se fait appeler Dominita et adore jouer de la cravache.
C'est à la fois stupéfiant et très drôle, "coup de théâtre" final téléphoné compris, mais le plus drôle demeure quand même qu'il nous est présenté comme un "document médical", avec une sorte d'Oncle Paul avec pipe et lunettes qui nous explique l'histoire comme une banale "étude de cas" pour étudiant en psy première année. Et voilà le genre de truc devant lequel Refn a passé son temps quand il était ado. C'est du joli.
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