samedi 8 juillet 2023

MASTER GARDENER, allons voir si la rose...

 


Admettons donc que Master gardener soit l'ultime volet d'une trilogie comprenant Sur le chemin de la rédemption avec Ethan Hawke et The card counter avec Oscar Isaac. Je n'ai pas vu le premier mais comme le synopsis l'indique, Hawke y incarne un prêtre en proie à la turbulence de ses paroissiens qui voit son passé ainsi que sa nature profonde resurgir de manière violente. Comme The card counter et The master garderner, il s'agit donc de remodeler à l'infini le même schéma qui pourrait se reproduire 10 films encore sans que vraiment on se lasse.

Après le curé puis le joueur de poker ancien tortionnaire de Guantanamo, voici Joel Edgerton qui pouponne ses pousses et ses boutons de rosiers rares pour le compte d'une grande bourgeoise qui possède un des plus beaux jardins du comté. C'est très vite évacué et le film n'en fait pas longtemps mystère: cette vie quasi monacale scandée par les journées de travail et les soirées passées à noircir les pages d'un journal intime succède à une autre, moins reluisante celle-là: Narvel était un tueur pour le compte d'une bande de tarés survivalistes et suprématistes blancs et sa "rédemption" (mot fatiguant puisqu'il sert à peu près à tous les films de Schrader) est d'abord passée par une collaboration avec le FBI pour d'abord coffrer tous ces abrutis, puis filer vers une autre vie sous programme de protection.


Si quelque chose s'affirme dans le cinéma de Paul Schrader c'est qu'il n'arrive pas, mais alors vraiment pas, à inventer d'autres histoires que celle-là. Un blocage étonnant, mais complètement assumé, de la part de celui qui était considéré comme le plus grand scénariste du Nouvel Hollywood avec Robert Benton. Mieux, son cinéma s'affine, quelque chose de déjà visible dans l'excellent Card counter dans lequel Isaac nous incarnait un Travis Bickle tiré à quatre épingles et plutôt zen, qui faisait tout pour éviter de retourner sur le champ de bataille, avec un Paul Schrader qui se permettait surtout de filmer un atroce combat à mort à mains nues en un superbe hors-champ.


La trame de Master gardener est encore plus misérable que ça. Narvel se réveille lorsqu'une de ses nouvelles employées, lointaine pièce rapportée, et abimée, de la famille de son employeuse, se fait cogner par son ancien petit ami, minable petit dealer de quartier. Du beurre pour le très efficace Narvel, qui en a commis des bien pires.

Tout ceci serait fort peu intéressant si le sujet n'était ailleurs. Le personnage qu'incarne Edgerton avec le coffre qu'on lui connait (mâchoire pendante, regard inexpressif, encôlure d'ex-taulard ou d'ancien Marine) est au centre d'un combat de coeur entre une femme de tête (qui est peut-être en train de la perdre d'ailleurs, sa tête, grand numéro de Sigourney Weaver, en grande dame faussement altruiste, prompte à se taper le petit personnel), qui pourrait être sa mère, et une jeune femme perdue qui pourrait être sa fille (Quintessa Swindell, à croquer).


En somme, toutes ces figures bêtement virilistes que le cinéma de Schrader nous propose depuis toujours ne sont peut-être que de bêtes gros arbres qui escamotent un très joli paysage, juste derrière. Le plus marquant dans The card counter n'était pas la force létale de l'ancienne brute, c'était la passion amoureuse qui venait d'éclore entre Isaac et Tiffany Haddish (exactement sur le modèle de l'histoire d'amour entre Willem Dafoe et Susan Sarandon dans Light sleeper, le même final au parloir).


Master gardener
s'achève aussi comme ça, sur la naissance d'un couple fait de bric et de broc (l'ex-junky métisse et l'ex-néo-nazi tatoué). On espère pour tout le monde que Schrader a enfin vu le bout de ce fameux chemin de la rédemption, dont il nous rabat les oreilles depuis ses premiers films.

Que sera le prochain film de Paul Schrader ? L'histoire d'un ancien boxeur reconverti en travailleur social après un dernier match où il a mortellement touché son adversaire et qui va vivre un dernier amour avec une bonne soeur (avec Hugh Jackman et Robin Wright) ? L'histoire d'un ex-flic ripoux et homophobe tombé pour trafic de stupéfiant tombant dans les bras d'une ex drag-queen atteinte d'un cancer (avec Sean Penn et Matthew McConnaghey) ? Tout est possible et on ira y jeter un oeil... ce sera probablement excellent.

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