vendredi 14 juillet 2023

FIFI, ce doux sentiment de l'été.

 


Grâce à l'insistance des grands gourous du net, des réseaux sociaux et des plans com à la Grosse Bertha de nos amis américains, j'ai décidé de snober de mon air tellement royal et si arrogant le dernier Indy, le prochain Nolan, la future Barbie et Tom Cruise n'aura toujours pas mon ticket au multiplexe du coin. L'été est plus propice à mon sens aux rencontres impromptues au bord d'un lac, à côté de pédalos dans le floc-floc des vaguelettes alors que la fête bat son plein, pas loin, et qu'on s'est mis à part avec la petite copine du moment pour tirer sur un joint ou siroter une bière.

Fifi c'est un peu ça, un film buissonnier alors que c'est l'été, et qui dit grandes vacances dit aussi profond ennui, surtout lorsqu'on est, comme Sophie, 14 ans, enfermée avec sa famille très nombreuse dans son appartement HLM. 

Fifi n'a jamais vu la mer, n'a jamais connu son père mais elle se débrouille. Premier indice qui ne trompe pas dans cette chronique très banale, le tandem Aslan & Saintillan ne nous la feront pas à la Ken Loach. Si ça picole un peu trop à la maison, si on n'est jamais trop tranquille entre le petit frère hyperactif très chiant et les odeurs de couches du bébé de la grande soeur, et même si on s'envoie de jolies noms d'oiseaux à la figure, que les portent claquent souvent et qu'on menace de couper l'électricité pour impayés, on survit là-dedans comme on doit et même, parfois, on s'y marre pas mal.


On est heureux de revoir François Négret d'ailleurs, dans le rôle du compagnon de la mère du moment, dont on ne sait de quel gosse il pourrait être le père,- aucun peut-être -, des années après avoir foutu le bordel dans sa propre cité dans le si prémonitoire et inoubliable De bruit et de fureur de Brisseau.

Fifi pourrait faire penser à Fish tank, si ce n'est que cette jeune fille n'a pas la rage de Katie Jarvis dans le film d'Andrea Arnold et ne croisera pas la route d'un prédateur sexuel roublard. Sa rencontre avec le grand frère d'une copine, Stéphane, qui a 10 ans de plus qu'elle ne se soldera pas par un drame. Pour évacuer cette différence, il y a que Fifi est une débrouillarde qui ne s'effarouche pas pour un rien et que Stéphane, jeune type tout doux et carrément lunaire, ne comprenant plus trop l'univers des gens de son âge et voyant pourtant arriver l'âge adulte avec une vraie tristesse prémonitoire, trouve avec Fifi quelqu'un avec qui enfin discuter sans calcul.


Belle histoire de complicité (presque) amoureuse qui s'évertue avec brio d'éviter un à un tous les écueils du dramounet sociologique: elle vient d'une famille pauvre, lui d'un milieu raisonnablement friqué, elle n'a jamais vu la mer, il fait ses études à Paris, et Fifi autorise cette belle rencontre par une douce effraction de l'une dans la maison de l'autre sans que cela ne fasse de vague (car en réalité, c'est plutôt rigolo: ayant subtilisé les clés de sa copine qu'elle savait partie en vacances pour quatre semaines avec ses parents, elle squattait tranquillement quand le grand frère est arrivé).


En ne forçant jamais rien, en refusant tout net une logique de dramaturgie dans laquelle beaucoup d'autres cinéastes auraient foncé tête baissée, Fifi ne nous parle jamais de la stupidité des pauvres, de l'arrogance des riches, de promiscuité sexuelle malsaine, de violences conjugales ou de gosses abandonnées à la délinquance par des parents déficients. Faisant place nette autour de ces deux personnages, le film nous offre de beaux moments: comme ce barbecue chez l'ami de Stéphane où Fifi profite de la piscine et des bonnes blagues de son hôte (Laurent Poitrenaux, très bon) pendant que l'ado de celui-ci fait la gueule pour un rien (bien vu...). Ou que Fifi se marre en découvrant pour la première des court-métrages de Charlot que Stéphane a déjà vu dix fois, alors que lui-même rentre d'une soirée avec des gens de son âge où il s'est emmerdé.


Travail de dentelle fine et légère confusion des sentiments dans ce très beau film qui a la riche idée de ne jamais monter dans les tours ni d'envoyer tout voler dans les lustres. Comme ça fait du bien. Un film finement écrit et conçu, qui ne serait rien sans Céleste Brunnquell et Quentin Dolmaire, si justes tous les deux et pourtant tellement différents dans leurs manières de jouer qu'on se demande qui auraient pu incarner ça aussi bien.

Arrêtez de faire vos feignasses, laissez tomber ces blockbusters estivaux qui n'en ont qu'après votre flouze, et traquez les salles où Fifi se joue encore. On sait encore faire, et sortir des films comme ça en France, sans chichis ni vedettes, courez-y avant que cela ne s'arrête !

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