mardi 4 juillet 2023

LOVE LIFE, and hate people.


 Le cinéma de Koji Fukada ne me transcende pas plus que cela, sans doute du fait qu'il soit contemporain de celui de Kore-Eda et de Ryusuke Hamaguchi, ces deux gros morceaux. L'un travaillant la cellule familiale sous toutes ses formes sans craindre un seul instant les écueils du mélodrame (Une affaire de famille, Tel père tel fils), s'y précipitant même assez souvent (pour le meilleur), l'autre oeuvrant sur une ligne plus littéraire, fouillant au plus profond des sentiments humains.

Fukada tient de Kore-Eda un manque de complexe à l'égard de toute émotion qui pourrait passer à portée de caméra, et d'Hamaguchi une perspicacité de psychologue qui le fait travailler chaque séquence comme on vide un tiroir, sans rien laisser dedans, comme le faisaient Bergman ou Tchekhov.

Du mélo familial, allons-y: Taeko vit avec son époux Jiro et un fils qu'elle a eu d'une précédente relation, Keita. Après la mort accidentelle de Keita surgit alors de nulle part ce père volatile, Park, qui les avait abandonnés alors que Keita avait à peine 1 an. Taeko va alors décider de s'occuper un peu de lui, puis plus que cela, en l'aidant notamment à sortir de la rue.

Comme dirait l'autre, manquerait plus un tsunami par-dessus tout cela, et le compte serait bon (il y a bien un tremblement de terre d'ailleurs, mais sans conséquence, manière sans doute un peu lourde de stigmatiser la fragilité de nos existences). Le film a tout de même le mérite d'essorer son histoire de deuil jusqu'à ce qu'il n'en reste plus une goutte, y compris dans les rapports compliqués, souvent tordus, mélange de non-dits et de traditionalisme désuet, que Taeko entretient avec son mari et sa belle-famille. 


Le générique de fin aura beau susciter un certain malaise avec cette sérénade pop à la guimauve qui donne son titre au film (c'est le message comme on le voyait venir à des kilomètres: aimez la vie comme la vie ne vous le rend pas, ok merci), il faut reconnaitre à Love life ses nombreuses qualités: l'accident domestique au centre de l'histoire vous file un bon petit coup derrière la tête, tout comme la relation émouvante et très particulière qui se renoue entre Taeko et Park (lui étant non seulement Coréen, mais aussi sourd-muet).

Mais si j'avais laissé tomber son précédent diptyque Suis-moi je te suis après avoir vu sa première partie (un peu l'impression d'assister à une romance k-pop un peu améliorée), il faut se souvenir qu'Harmonium, l'autre film que j'ai vu de lui, insistait beaucoup sur la mystérieuse perversité d'un personnage qui saccageait la vie d'un couple jusqu'à l'horreur complète. Quand le personnage de Park, piège scénaristique et émotionnel tendu à nos envies irrépressibles d'empathie vis à vis d'un homme assez peu gâté par la vie, se dévoile dans une séquence anodine mais tranchante, le voile se déchire sur les intentions d'un film tout à coup plus retors qu'il n'y paraissait. 



La danse solitaire de Taeko sous la pluie, alors que tous les invités de cette fête courent s'abriter sans faire attention à elle, la laissant absolument seule, est un de ces moments qui nous fera dire que Fukada saura à l'avenir puiser dans cette veine déprimante et incroyablement misanthrope pour réaliser quelque chose d'immense. 

On notera aussi que sa façon, - toujours la même -, de filmer les petits appartements cosy des banlieues des classes moyennes nippones est assez irrésistible, et en dit long sur l'obligation de promiscuité courtoise engorgée de rituels obséquieux. Une obligation qui, à la longue, finit par faire mal. C'est sans doute le grand sujet du cinéma de Fukada.


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