dimanche 16 août 2020

Une pilule de travers.

 

La désaffection actuelle des cinémas serait due en grande partie, c'est une évidence pour à peu près tout le monde, à ce sacré Covid qui n'a pas encore fini, je pense, d'emm...son monde. Il existe d'autres voix pour suggérer aussi que l'absence de blockbusters d'outre-manche, qui tardent à montrer le bout de leur nez dans la crainte de l'inéluctable gadin, ainsi que celle des comédies bien de chez nous avec plein de vedettes bankables dedans, pas là pour la même raison, ajouterait à cet été catastrophique. C'est fâcheux pour certains exploitants qui ne méritaient pas ça (d'autres, si, mais je ne pensais pas à eux), c'est pas mal pour le cinéphile, comme moi, qui trouve que, pour une fois, les salles gardent plus longtemps des films qui valent le coup d'être vus, et qui en cette période, d'ordinaire, bénéficient de très peu de visibilité.

Moralité, on n'a jamais eu autant de choix entre de très bons films en juillet-aout, et le plus gros succès du moment serait cette comédie parait-il excellente, TOUT SIMPLEMENT NOIR (pas encore vu) qui se serait peut-être crashé entre un James Bond, un Tom Cruise et le dernier Christopher Nolan. Le seul des gros cubes de Hollywood qui, notons-le, soutiens mordicus que son TENET doit d'abord sortir en salles, et nulle part ailleurs. Il est vrai aussi que dans les salles, à n'importe quelle séance, on a de la place pour s'asseoir.

Et les gros bras alors, où c'est qu'ils sont passés ? Evidemment, les plateformes de streaming s'en donnent à coeur joie depuis mars dernier, et accueillent à bras ouvert les films qui ont renoncé aux salles. Mauvais timing pour les uns, excellentes affaires pour les autres, il n'y a vraiment de la chance que pour les crapules, et déjà porté par un essor naturel et prévisible, un pangolin avarié, à moins que ce ne soit une chauve-souris faisandée, leur ont donc refilé un sacré coup de pouce.

Pas sûr que le cinéma (avec un grand C) s'y retrouve, les salles encore moins, mais observons quand même ce fait nouveau survenu bien avant l'effet-covid: les "films de gros Bill" comme je les appelais ado, qui faisaient parfois les délices des soirées ciné-pop corn pour bourrins bêtes et bronzés, ont investi nos écrans de poche et de salon à la vitesse, justement, d'une belle pandémie qui se jouerait aussi bien des frontières que des langues. Pas de mal à dire sur ce cinéma qu'autrefois ont classifiait en catégorie B puisque, pour notre plus grand bonheur, et le malheur de notre échelle des valeurs, il a donné des trucs inoubliables (TERMINATOR, PIEGE DE CRISTAL, rajoutez-y ce que vous voulez, vous voyez de quoi je parle).

Une chaîne que je regarde assez régulièrement, et que j'en ai marre de citer, allonge régulièrement son catalogue de films par des créations originales à fort budget (de la grosse star, des effets spéciaux, du sang, de la chique et du mollard) que, justement, on pouvait croiser lors des grandes vacances pour le plus grand bonheur de nos neurones fatiguées. Après un TYLER RAKE militarisé (avec Chris Hemsworth en super-barbouze qui décanille du milicien dans une quelconque dictature exotique), après Charlize Theron en tueuse immortelle dans THE OLD GUARD, on convoquera ici le balèze et sexy Jamie Foxx en ancien militaire (encore !), le boy-next-door sexy et sympa Joseph Gordon-Levitt en flic intègre et tête brûlée dans une histoire... de petite pilule qui offre à celui ou celle qui l'ingère, cinq minutes chrono un main, un super-pouvoir de sa mère.

D'abord, disons que depuis que Sam Raimi et Bryan Synger ont réactivé les figurines marvel sur grand écran, c'est devenu, à part égale avec l'heroic-fantasy, LE grand cache-misère du film d'action hollywoodien aujourd'hui. Sourcils froncés et mâchoires serrées, nos héros aux pouvoirs sur-dimensionnés paient une surenchère continuelle en utilisant mille capacités plus sensass les uns que les autres dans l'indifférence générale. Depuis que les Avengers ont livré bataille en plein Manhattan aux méchants extra-terrestres, ils peuvent bien bousiller ce qu'ils voudront: on s'en fout. Rendez-nous Bruce Willis dans INCASSABLE, bon sang!


Avec PROJECT POWER (parce que c'est notre projet: le pouvoir), disons qu'on tombe quand même très très bas. On n'attendait pas grand chose de la mise-en-scène de zigottos qui ont pondu les deux derniers épisodes de PARANORMAL ACTIVITY, aussi on ne s'attardera pas là-dessus, mais sur la lâcheté d'un scénario qui n'arrive même pas à aligner deux quarts d'heure cohérents les uns après les autres. Aucune piste n'est clairement exploitée, toute tentative d'aérer même trente secondes ce film qui pue l'essence et la chevrotine, est immédiatement balayée par une séquence d'action insane, qu'on croirait empruntée aux pires scènes non retenues du HULK de Leterrier, voire à LA LIGUE DES GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES: trucages moches, action bâclée, scénario pas fini: on n'y prendra même pas la peine de nous expliquer le fin mot de l'histoire. Ou alors, ça s'est passé au moment où j'étais parti aux toilettes sans même appuyer sur "pause" ?

A un pareil état d'inanité, on ne pourrait qu'opposer une indifférence à peine polie si on n'était pas sûr, qu'au fond, un film comme PROJECT POWER ou les deux autres nanars cités plus haut n'étaient devenus la norme. Avec comme points communs un chantage émotionnel qui prend toujours à partie la figure d'un gosse (ici, une jeune ado orpheline de père, incarnée par une star du hip-hop inconnue de moi, et qui joue comme une tarte), un scénario qui écarte les éléments qui finalement, le gênent (parce que c'est notre projet: ne pas se retourner), et une quasi-divinisation de la force en tant que moyen ultime pour mettre à bas ses ennemis: jamais on n'aura autant filmé de corps guerriers en treillis, de super-soldats hyper compétents comme panacée ultime, et pour le bien de l'Humanité.

Idéologie puante, absence totale d'imagination et démission générale devant les rares bonnes idées qui pouvaient faire enclencher le film vers autre chose, on est bien dans les sous-sols du cinéma. Que cette chaîne payante ait voulu se faire une réputation, un jour, en produisant Scorsese, Soderbergh, Baumbach et quelques autres ne saurait plus nous leurrer: ces gens veulent annihiler la concurrence, étouffer le marché. Le reste n'est que littérature et donc, n'a aucune importance.


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