mardi 4 août 2020

Plein les yeux (et le reste).


Et tout d'abord, du kitsch indien tout ce qu'il y a de plus indien et de plus kitsch, avec une sorte de mélo-western-féministe qui date de 1987, réalisé par un certain Ketan Mehta, MIRCH MASALA ou l'art de résister au droit de cuissage dans l'Inde coloniale. L'affreux du film est le subedar régional qui passe de temps en temps dans ce village paisible de l'Inde profonde pour soutirer l'impôt en biens, ou en nature. Non content de venir rafler porcs, chèvres et poulets, il est également de bon ton que les notables du crû daignent à ce que leurs filles, concubines ou épouses se glissent sous sa tente afin de le satisfaire. 

Cet ignoble personnage, entouré de ses sbires armés, est ici incarné par Naseerudhin Chah, méchant à belle moustache qui se la joue loup à la Tex Avery, grands yeux qui roulent dans leurs orbites et sourire plein de dents qui ricane. Quand la très belle Sonbai, dont le mari est parti chercher du travail bien loin d'ici, lui passe sous le nez, dans son magnifique sari et allant chercher de l'eau à la rivière, le sang du sudebar ne fait qu'un tour, et il se prend une belle baffe dans la tronche au passage. Sonbai, elle est comme ça !

Ketan Mehta s'amuse avec tous les poncifs du genre, et ne manque pas sa description des petits notables honteux qui préfèrent de loin que Sonbai passe à la casserole, plutôt que de voir une pluie d'emmerdes s'abattre sur leurs affaires. La description, très commune dans ce genre de film indien, d'une société arriérée, résolument machiste, et qui n'a que faire de la vertu de ses femmes, s'agrémente de quelques scènes navrantes où ces braves gens se réunissent en comité pour mettre leurs lâchetés en commun: la démocratie à la mode indienne se caractérise par une mise au ban immédiate des contestataires (l'instituteur progressiste, le vieux gardien de l'usine de piments qui y enferme les femmes du village et menace de tirer sur le premier qui ose s'avancer pour prendre Sonbai).

Même si le genre était déjà obsolète dans les années 80, le film s'amuse à des imitations croquignolettes de western spaghetti lors des grandes scènes "tendues" (les sourcils qui froncent en gros plan, la goutte de sueur qui coule le long de la temps, une musique très Morricone lorsque les sbires du subedar cavalent dans les ruelles assommées de soleil et de poussière), le grand tracas restant, tout de même, et une fois encore, que l'exploitation des femmes et la culture du viol et de son impunité soit resté un des grands sujets du cinéma indien progressiste, aujourd'hui encore.

Rigolo si on accepte la simplicité des situations, voire leur simplisme extrème, le film reste sympathique et offre par moments de belles séquences (dont une course-poursuite dans les montagnes de piment marsala laissées à sécher au soleil: une fois en poudre ne vous en mettez pas dans les yeux, ça brûle). Pas déplaisant, mais pas tous les jours, quand même...

Avec DE NUEVO OTRA VEZ, on reste sur une note féminine, voire féministe, mais autrement plus subtile, avec ce film tout récent dont la sortie en salle (prévue en Espagne, du moins) a été quelque peu gênée par notre cher Covid. Sa réalisatrice, et interprète principale, Romina Paula, est une artiste argentine protéiforme qui travaille autant pour les scènes chorégraphiques et théâtrales que pour le cinéma (elle était une des protagonistes principales du triptyque LA FLOR), et son film raconte d'une manière douce, et toute simple, les hésitations et les doutes d'une femme de bientôt 40 ans, qui s'en retourne pour un temps indéterminé chez sa mère, avec son jeune fils, histoire de faire le point.

Passion amoureuse avec son homme qui s'en est peut-être allée, besoin de tout lâcher ou de retourner aux sources, la valse-hésitation de Romina se traduit par des petits riens: la redécouverte de vieilles photos de famille pour se refaire la généalogie de toutes les mères "au-dessus d'elle", leurs différences, leurs points communs, la redécouverte des anciennes copines, des sorties entre filles où cela dérape un peu, mais en douceur; quelques longs baisers qui comptent plus comme des moments de sensualité retrouvée que comme des flirts sérieux.

Le film met à plat toutes ces sensations, sans rien en cacher (les personnages qu'ils soient filles ou garçons, commentent aussitôt leurs sentiments sans fausse pudeur, et offrent une écoute attentive à ceux des autres) avec, sans que cela soit clairement nommé mais néanmoins palpable, "toujours là", l'appréhension du temps qui passe, la conviction de vieillir.

Pas sûr qu'on gardera pour toujours un souvenir tenace de ce DE NUEVO OTRA VEZ, film fragile qui n'a l'air de rien (mais il faut se méfier des oeuvres qui n'ont l'air de rien, elles peuvent vous poursuivre longtemps) mais qui, comme les films d'Angela Shannelec (autre femme-cinéaste mais aussi femme de théâtre), arpente son petit territoire intime, en apparence bien restreint, et qui saura parler un peu à tout le monde. 


Pour ce qui est du cinéma de Seth McFarlane, on prendra moins de pincettes: ses intentions sont fort simples et tout aussi louables: nous faire marrer avec ce pastiche de western où tout semble dirigé vers les meilleures blagues de cul, niveau collège. ALBERT A L'OUEST (2014), c'est donc l'histoire d'un brave gars qui élève des moutons avec son papa et sa maman, mais dont les aspirations semblent être limitées par la connerie ambiante (dans le Far-West, les gens ne pensent qu'à se tirer dessus, à mourir du choléra, à aller se saouler la gueule et aller voir les putes). De plus, Albert vient de se faire larguer par sa blonde, qui l'a quitté pour un winner (à moustache).

Que dire de cette pochade vulgaire, si ce n'est que si vous n'aimez pas la vulgarité, vous ne ferez pas long feu. Ce qui fait plaisir, c'est de voir la mannequin Charlize Theron y aller plein pot ("-Pour emmerder ton ex, tu n'a qu'à dire que tu sors avec un canon: moi. -Ah ben c'est pas la modestie qui t'étouffe... - Non c'est vrai, il parait que j'ai une super belle paire de nibards"), et le très badass Liam Neeson y baisser sa culotte (Charlize lui insère la tige d'une fleur dans la raie du cul).

McFarlane vient de la télévision, il a supervisé les scripts et dialogues de séries comme LES SIMPSON, AMERICAN DAD ou LES GRIFFIN, aussi il ne faut pas s'étonner d'entendre une demoiselle qui "pratique" à l'étage du saloon refuser une invitation à s'asseoir parce que elle l'a "comme un chou-fleur", par exemple, ou encore voir un distingué gommeux déverser (littéralement) sa chiasse dans les chapeaux melon des passants. Avec gros plans en su.

Autant dire que, en fin de journée, voilà bien un spectacle qui suffira à notre joie, et même si tout n'est pas bien réussi et, parfois, tombe littéralement à plat... comme dans les vieilles comédies des 80's (Mel Brooks, ZAZ, John Landis...), cela nous rappelle que les Américains, qui se foutent assez souvent, comme de l'an 40, de faire du cinéma ou autre chose, sont des as dans l'art de la comédie vulgos et régressive. Et en terme d'écriture de dialogues, McFarlane est un as, il faut le reconnaître...



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