vendredi 29 mai 2020

Pour rien ou pour un rien.


LE FRERE LE PLUS FUTE DE SHERLOCK HOLMES date de 1975, première des cinq réalisations commises sous l'influence majeure, et très revendiquée, de Mel Brooks, par Gene Wilder, ce fabuleux comédien à frisettes blondes et regard bleu un peu perdu. Allégeance éternelle à ce comédien génial à qui je dois 3/4 de mes plus grands fous-rires (option pipi-culotte) dans des scènes de FRANKENSTEIN JR, LE SHERIFF EST EN PRISON ou TOUT CE  QUE VOUS AVEZ VOULU SAVOIR SUR LE SEXE de Woody Allen, dans la scène dite "du mouton" dont je ne me suis toujours pas remis.

Il faut pouvoir retourner au rythme de ces comédies très référencées, savant mélange d'humour juif et anglais (on a fait pires cocktails !) avec blagues pas toujours drôles, scènes d'action approximatives, et longs tunnels sans gags qui font rire un peu mais... mais... quand ça part, ça part. Et plus ça part, plus on rigole d'avance (parfois pour rien, et au final, pris dans l'hystérie, pour un rien) et plus on guette les mines des comédiens (Wilder, impérial, l'incontournable comparse Marty Feldman et son regard ailleurs, ici en flic faire-valoir de prestige), mais celle qui décroche le pompon à chaque fois qu'elle montre le bout de son adorable museau, c'est bien la redoutable Madeline Kahn, pétaradante en allumeuse un peu mytho, à la nymphomanie très précise (Charles Crichton a du un peu penser à elle en écrivant le rôle de Jamie Lee Curtis dans UN POISSON NOMME WANDA), à la fois très sexy et très clown, qui fait de chaque scène une seule bouchée.

Il est sûr que ce cinéma comique peut désarçonner aujourd'hui. car il faut se payer certaines scènes "chantées" (par toujours excellentes) pour savourer en plein la délirante séquence d'opéra qui clos l'intrigue et où, là, on s'en paie une bonne tranche (Dom de Luise et Leo McKern en renforts, attention les yeux !). Depuis, les sbires du Saturday Night Live, ces chenapans de ZAZ, sans parler des comédies régressives "graves" des Farrelly, Apatow et compagnie auront achevé de rendre ce cinéma vaguement obsolète.

Pas tant que ça, finalement, car on ne se lassera sans doute jamais du regard d'idiot dubitatif de Wilder, et encore moins de la gestuelle de danseuse désarticulée de Feldman. S'il y a bien un théorème qui tiendra jusqu'à la fin des temps, c'est bien celui-ci: pas de bonne comédie sans grands comédiens.

Me suis offert un programme léger de court-métrages d'Agnès Varda, avec un bonheur inégal il est vrai, mais avec une vraie gourmandise d'aller piocher ici et là, dans une chronologie aléatoire, dans les productions méconnues de la grande dame. Si l'on veut prendre les choses dans l'ordre, parlons donc d'abord de L'OPERA-MOUFFE (1958), deuxième "essai" après la POINTE COURTE, et qui nous propose une captation de la rue Mouffetard censée être "vue par" une jeune femme enceinte. On n'a pas bien saisi le rapport, si ce n'est que qu'entre deux saynètes avec jeune couple à poil qui font bisou-bisou, la caméra de Varda saisit au vol des "gueules" pour la plupart cassées, de femmes âgées, ou abîmées, et un long cortège de boiteux en tout genre. C'est parfois saisissant, souvent triste, avec pourtant un certain sentiment de malaise qui s'installe, au bout d'un certain temps: un film pour montrer quoi ? L'espérance d'une jeune mère et les désastres de l'existence qui l'attendent ? Un film curieux dans la filmographie de Varda, qui ne lui ressemble pas. Plus tard, son style s'apparentera à une longue étreinte, bras ouverts et joue tendue. Ici, pour la première fois, il semble se méfier de la vie.

On remonte jusqu'à SALUT LES CUBAINS !, filmé entre CLEO DE 5 A 7 et LE BONHEUR en 1964, durant le plein essor de la cinéaste. Cela fait bien sûr une peu sourire (jaune) aujourd'hui de voir ce panégyrique en règle du tout jeune régime castriste, dont l'histoire officielle, déjà érigée en mythe, mettait des étoiles au fond des yeux des intellectuels de gauche du monde entier. Varda, comme d'autres, était alors sous le charme, (on aperçoit ici et là Resnais, Jean Rouch, et Michel Piccoli lit avec Varda un texte sautillant, en voix-off), et il va sans dire que des années plus tard, même si le "romantisme" de Cuba a mis plus de temps à tomber que celui de l'URSS.

Non, la pépite, la vraie, elle est là: ONCLE YANCO (1967) fait partie des "films de San Francisco" de la cinéaste, qui a été longtemps sous le charme de la Californie, alors en pleine étreinte flower-power avec le mouvement hippy. Varda venait de retrouver ce lointain cousin, qui avait quitté la France depuis plus de vingt ans, et vivait dans ce port dans la baie de Frisco où de doux rêveurs avaient construit leur propre baraque flottante, ou à moitié amarrée, avec des planches de récup et des coups de peintures très colorée. C'est bien l'Agnès qu'on adore: qui s'amuse avec la pellicule comme d'une boîte de coloriage, danse avec les doux-rêveurs et rêve avec eux d'une vie où tout serait tellement plus simple si... Et là, miracle qui lui est arrivé à elle, et à pas beaucoup d'autres, c'est telle quelle qu'elle est restée, jusqu'au bout. Chapeau, madame.

Et maintenant attention, rangez vos enfants, allez coucher votre cochon d'Inde, une barbarie comme il y en a longtemps que je n'en avais pas dégusté. De ce genre d'atrocités qui vous fait pousser "Rhaaaa mais non" plus souvent qu'on ne le voudrait, en se masquant les yeux pour ne pas voir. THE COLLECTOR de Marcus Dunstan (2009), est donc une production de la bande de joyeux plaisantins qui ont signé la franchise SAW, et ça se voit. 

On repassera pour l'originalité (générique à la SEVEN, rebondissements à gogo, gros plans sur les têtes qui font crac, sur les gorges qui hurlent, sur toutes les parties en sang d'un être humain et sur la manière de leur faire le plus mal possible), mais on saluera quand même la rigueur du script, qui sait ce qu'il fait (nous en mettre plein la gueule, à nous et aux pauvres victimes): un serial-killer immondément sadique enferme dans leurs maisons une famille entière, met des pièges mortels ou, plus drôles, salement mutilatoires un peu partout, les capture un par un pour les torturer longuement, et en garder juste un, dans une boîte.

Sur ce coup-là, comme dans un jeu vidéo, un élément perturbateur de taille va rajouter un niveau de difficulté à notre sadique méticuleux: un cambrioleur un peu bagarreur qui s'est fait piégé, lui aussi.

Que dire, si ce n'est que lorsque cela cesse, on est bien content, et qu'on attendra la prochaine série B qui nous en remettra un coup supplémentaire. Scénario invraisemblable, violence gratuite, sadisme sans limite et un cinéaste qui remplace ici ses péripéties par des gadgets (couteaux, clous, hameçons, perceuse, menottes, tout y passe). Ce n'est plus du cinéma, mais un Bricomarché-boucherie-charcuterie. 

Un nouveau concept porteur (il y a eu deux suites, parait-il, mais là non: stop)

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