lundi 5 octobre 2020

L'amour qui fait plouf.

 


Il ne faut jamais s'emballer avec Christian Petzold. Cinéaste intelligent mais placide, jamais dans l'emphase et pourtant aimanté par la passion amoureuse, il continue à tracer sa route en faisant fi des modes et -c'est ce qui le rend pourtant attachant-, se mettant toujours à l'abri de trop en faire. Trop prudent sans doute, on serait bien en mal de se souvenir d'un film de lui qui nous ait foudroyé. On se souvient de cette femme revenue des camps le visage refait dans PHENIX et qui cherche à se rapprocher de son mari, qui ne la reconnait pas, ou de sa femme-médecin cherchant à passer à l'Ouest dans BARBARA. On s'en souvient en y repensant, mais c'est une mémoire qu'il faut un peu aller rechercher. Enfin quoi, voilà: le cinéma de Petzold n'est pas du genre à marquer au fer rouge.

Depuis son avant-dernier film TRANSIT, Petzold a abandonné son égérie-fusionnelle Nina Hoss pour la non moins magnifique Paula Beer sans se départir de ce style "à-plat" qui rend chacune de ses scènes parfaitement lisibles, au détriment, encore une fois, de la passion, voire de la folie. 

ONDINE, tout comme PHENIX, prêtait pourtant le flanc à la fantasmagorie la plus débridée, ou au délire. il y avait là de quoi offrir un conte des plus tordus autour de ses deux amoureux improbables qui se rencontrent et se séparent sous l'égide de l'eau. En s'inspirant d'une légende très germanique, pas très lointaine de notre vouivre solognote en moins maléfique, cette sirène d'eau douce qui se console d'avoir été abandonnée par un amant volage en éprouvant une passion soudaine pour un type un peu lunaire dont le métier est scaphandrier (il effectue des opérations de soudure compliquées sous l'eau, au pied des barrages), avait pourtant de quoi nous emmener loin dans les profondeurs.

Las, même s'il se passe des choses ici et là qui nous collent la puce à l'oreille (Ondine est une historienne spécialisée dans les origines architecturales de Berlin, construite comme chacun le sait, comme Londres, sur des marais asséchées), on regrette sans cesse que ce mythe ait l'air d'avoir été amenée, comme ça, comme une vulgaire pièce rapportée pour alimenter une bête histoire d'amour.


Petzold avait pourtant de quoi faire. En faisant par exemple de sa naïade une assassine vengeresse, en ressuscitant son plongeur in-extremis d'un coma sans espoir au moment même où son aimée retourne pour l'éternité dans son élément originel, Petzold tenait bel et bien son histoire, qui aurait pu en remontrer au spectaculaire de LA FORME DE L'EAU, par exemple. Raté. 

ça n'est pas parce que tu ne peux pas t'offrir les effets spéciaux de Hollywood qu'il ne faut pas oser. Le fantastique s'accommode très bien de la banalité, par là elle n'en devient que plus effrayante. Aussi un doute ici se confirme: si Petzold ne manque pas de subtilité, il lui manque à coups sûrs de l'audace.

Reste un tandem d'acteurs qu'il emploie pour la deuxième fois de suite. Elle, Paula Beer, beauté diaphane et immense actrice, mais surtout lui, Franz Rogowski, corps d'athlète et visage brisé: un couple physiquement étrange, dont les disparités offrent pourtant, déjà,  de belles promesses d'alchimie inédite. Si le cinéaste se lâchait un peu, avec ces deux-là il pourrait sans doute réaliser, enfin, de très grandes choses.



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