samedi 7 janvier 2023

Les Banshees d'Inisherin

 



C'est une île perdue en mer d'Irlande qui offre ses paysages splendides et ses plages balayées par les vents à l'ennui. Nous sommes dans les années 20 et Padraic ne comprend plus rien: son "ami" Colm ne veut plus lui parler. Il en a marre de lui, de ses conversations vides de sens. Colm voudrait consacrer le temps qui lui reste à la musique, pas en vains bavardages avec ce compagnon de pub pas vraiment fûté. 

De ce dramounet sans importance va découler une mini-tragédie comme il ne s'en déploie que dans des lieux où l'on s'emmerde ferme. Cela ira très loin et d'emblée quelque chose fait tiquer: il n'y avait effectivement pas grand chose à raconter à partir d'un canevas si léger, et Martin McDonagh s'occupe du problème en gonflant son intrigue à l'hélium. Partant du principe que Patraic (Colin Farrell, très bien) est un brave type un peu bas du front et Colm (Brendan Gleeson, royal) un gaillard pour le moins têtu qui se pique d'être un artiste, McDonagh libère la bêtise de l'un et débride le tempérament ombrageux de l'autre en lui faisant commettre, - c'est là que la bât blesse - des monstruosités disproportionnées auxquelles on a du mal à croire.



Autant dire que je suis allé voir Les Banshees d'Inisherin pour le souvenir de ces deux mêmes comédiens dans l'excellent Bons baisers de Bruges, film noir déprimé entre deux tueurs à gages égarés en terre flamande, ainsi que pour mon affection pour l'état d'esprit et l'humour irlandais qui me donnent toujours envie d'aller m'en jeter une à l'Irish pub du coin (sauf Ulysse de Joyce, qui m'a toujours incité à prendre de l'aspirine). Pas forcément pour Martin McDonagh qui, s'il possède quelques talents, sait filmer des territoires définis et s'est toujours montré fabuleux directeur de comédiens: car que serait son fameux Three bilboards sans Frances McDormand, Woody Harrelson et Sam Rockwell, je vous le demande ?


Quelques idées quand même: nous faire ressentir le conflit irlandais de l'époque par des explosions qui surviennent sur "La Grande Ile" comme les habitants d'Inisherin l'appellent, observées depuis le rivage. Histoire de dire que les vrais problèmes ne surviennent pas à Inisherin mais là-bas. Une île tellement isolée qu'il n'est pas innocent que les animaux soient si importants pour ses habitants: le chien de Colm, l'âne de Patraic, son cheval et ses vaches, toutes ses braves bêtes sont même priées de venir se loger au coin du feu auprès de leurs maîtres quand ça ne va pas bien, tant le contact avec les autres est rare et fastidieux.


Le reste n'est que folklore: la vieille peau qui arpente la lande en proférant des divinations sibyllines, l'épicière mauvaise comme un poux qui s'offusque de ses clients qui n'ont aucun ragot à lui rapporter, les piliers du pub sympathiques, l'idiot du village et le flic local qui n'est qu'un immonde salaud. Quand la soeur de Patraic décide de regagner "La Grande Ile" parce qu'elle y a trouvé du travail (Kerry Condon, à épouser de suite), on se dit que c'est là l'événement le plus notable survenu depuis le début du film, et on applaudit des deux mains (quand Brendan Gleeson envoie son poing dans la gueule du flic, aussi). On peut aussi se suicider. Mais oui bon sang, barrez-vous de là !

A vrai dire, on aura eu droit à tous les clichés sur l'ancestrale Terre d'Erin hormis les petits lutins et les trèfles. Pas mauvais pour autant, le film aurait pu s'étoffer de motifs et d'un canevas plus consistants pour complètement emporter l'adhésion. Avec un cadre et des acteurs pareils, il y avait pourtant de quoi.



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