lundi 13 juin 2022

Utama, la terre oubliée


 Sisa et Virginio n'ont plus 20 ans et vivent depuis toujours dans cette maison d'argile en pleine pampa, sur les hauts plateaux arides de Bolivie. Ils y élèvent des lamas et doivent de jour en jour aller de plus en plus loin pour que leurs bêtes se nourrissent et aller trouver de l'eau. Clever, leur petit-fils vient leur rendre visite pour les inciter à les suivre en ville.

Ce n'est pas tous les jours que le cinéma nous emmène sur ces terres-là, et même si la fable offerte ici par Alejandro Loayza Grisi, dont c'est le premier film, ne nous apprendra pas grand chose de neuf sur un nouvel ordre du monde qui va foutre en l'air les vies des plus humbles, elle offre à voir en un format scope royal des paysages à couper le souffle et des terres condamnées à l'oubli. On aura donc le temps de se baigner les yeux dans cette lumière aveuglante et ces paysages de western où la seule menace qui plane est ce ciel sans nuage, sans qu'aucune goutte de pluie ne soit tombée depuis des lustres.

Utama nous parle donc d'exode climatique, d'une culture et d'une manière de vivre qui meurt (il n'est pas sûr qu'après eux, d'autres sauront mener leurs lamas aux pâturages ni carder leur laine comme ils le font), d'une nature chamboulée avec laquelle les hommes ne peuvent plus vivre, du caractère têtu des vieilles personnes et de la soumission forcée, - ou du refus à se soumettre - à la modernité.


Il y a bien ce grand condor qui plane au-dessus de ce désert de caillou, vision à peine sublimée par le récit de Virginio sur la manière de mourir de cet oiseau mythique (quand il sent arriver sa fin, il se laisse tomber d'un à-pic sans déployer ses ailes), cet instant sans doute rêvé du grand oiseau se posant à trois mètres du vieil homme, mais on sait gré au cinéaste de nous épargner une vaine litanie de croyances ancestrales et de spiritualité à deux balles.

Au contraire, Grisi montre le quotidien dans ce qu'il a de plus terre à terre, de plus triste et de plus beau dans le train-train de ce vieux couple dont il sait filmer les visages magnifiques, les rides profondes et les gestes sûrs, les toux caverneuses comme le bonheur, malgré tout, d'être en cet endroit, ensemble et pour toujours.


C'est sans doute un peu court pour réaliser un grand film, Utama se contentant de nous raconter la fin d'une vie simple qui possède la caractère exotique d'un solide documentaire du National Geographic. Le paradoxe étant qu'il vaille le coup d'être vu sur grand écran tout de même, tant les images sont splendides et les visages des deux comédiens (Luisa Quispe et José Calcina) inoubliables. On apprendra aussi que le lama est un digne animal très facile à conduire dont le gémissement ressemble un peu au bruit que ferait une trompette en plastique pour enfant.

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