mercredi 22 juin 2022

Junk Head



 Il est fou, ce Takahide Hori. Réaliser au XXI° siècle un film d'animation en stop-motion (de l'image par image, 24 plans/seconde, à l'ancienne) relève bien plus de la profession de foi que de la gageure technique, d'autant que ce Junk head réalisé en 2017 n'est que le premier volet d'une trilogie pas encore achevée. Au rythme où le réalisateur travaille, on pourra espérer se voir livrer l'intégrale autour de 2030. D'autant que Hori travaille seul. Au four et au moulin, à la conception des personnages et des décors comme à la fabrication des voix-off.

Résultat, un film qui s'achève bien évidemment sur une fin ouverte et qui laisse sur sa faim. Disons que si pour ma part je ne vais pas me précipiter sur le second volet du gros machin de Denis Villeneuve avec ses vers des sables en images de synthèse, je saurai me montrer patient en ce qui concerne la suite de Junk head. Car il n'y a pas photo: quelque chose se passe devant ce travail fait main, comme devant Mary & Max d'Adam Elliott ou les merveilles de Tim Burton et Henry Selick: ça vit, ça bouge et ça gigote autrement que dans une bataille cosmique en 3D d'un quelconque Marvel Comics avec ses stars en botox.


Et pourtant il n'est pas beau l'univers imaginé par Takahide Hori. Fable post-apocalyptique ou pas loin, il a imaginé un monde où les Humains, au comble de leur transhumanité accomplie vivent comme désincarnés à la surface dans des enveloppes charnelles en plastique ou en image de synthèse justement, on ne saurait dire: étant parvenu à l'immortalité, l'Humain n'est plus qu'une âme qui s'ennuie tandis que tout au fond du monde, tout en dessous, d'anciennes créatures émancipées de leurs rôles d'esclaves et de mains d'oeuvre survivent dans des conditions extrèmes. Parton, le héros du film, est un "Humain" (professeur de danse virtuelle au civil, si si...) qui accepte de descendre dans les mondes souterrains pour découvrir comment ces créatures ont évolué. Mais son enveloppe de robot-combattant va immédiatement être détruite lors de la descente, et sa "Tête" remontée sur un petit robot ridicule (puis dans une sorte de boîte carrée après un second accident, qui l'empêchera de parler)


Puits de mines, longs couloirs abritant d'immondes créatures aux appétits voraces, vers carnivores chopant tout ce qui passe et logeant dans les murs, l'univers de Junk head n'est pas reposant du tout. De mutation en mutation, hominidés et monstres ont muté de bien des manières, qui vont des figurines Minimoys kawaï aux hommasses à gros pectoraux et immenses nibards, de la tête sur planche à roulette au balourd cintré en combinaison moulante et à la démarche de pingouin. 

Inspiration Pingu-ChapiChapo d'un côté, Alien et Clive Barker de l'autre, on dira que ce monde imaginaire n'est pas anodin. On pourra toujours regretter un scénario assez académique mais qui a sa cohérence tout de même: faire se confronter l'humain idéal, au fait de son évolution mais totalement désincarné à ces créatures de foire, vivant dans les immondices est assez drôle, d'autant que Parton passera assez rapidement de statut de Dieu (il vient d'en haut, il est en quelque sorte leur créateur) à celui de simple utilitaire (dans sa nouvelle dépouille en boîte de conserve et privé de la parole, il sera tout juste bon à faire le ménage et aller faire les courses).


Le spectacle est délirant et assez souvent drôle. Il y a peut-être comme une légère uniformité dans le look de ces créatures, parfois dépassée par de sacrées trouvailles (comme cet hominidé qui une fois mort se transforme en arbre, donnant naissance à d'autres créatures) mais à l'heure où ce cinéma ne vaut plus que des nèfles du côté de Hollywood, et que les studios Ghibli ne nous font plus rêver comme il y a vingt ans, Junk head est le bienvenu, vraiment. 

On notera aussi un travail épatant sur les voix des personnages (un gargouillis émanant peut-être du japonais sans qu'on en soit bien sûr, avec Takahide Hori en personne "doublant" quasiment tous les personnages). Mr Hori vraiment.... chapeau ! Et bon courage pour la suite.




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