dimanche 13 septembre 2020

On a tous besoin d'une maman.

 


Deuxième film réalisé par le comédien Casey Affleck, 9 ans après I'M STILL HERE, drôle de blague potache post-moderniste où il rendait compte de la "retraite" prématurée de son pote (et beau-frère) Joaquin Phoenix (c'était un fake), LIGHT OF MY LIFE est, au premier abord, une énième variation du survival en terre post-apocalyptique, et donc méchamment hostile. 

A LA ROUTE de McCarthy il emprunte la figure du paternel cherchant à sauver la peau de sa progéniture, et la sienne, et au FILS DE L'HOMME de P.D. James cette autre variation emmerdante: un virus a décimé sans compter toutes les représentantes du sexe féminin (chez P.D. James c'était autre chose pour un résultat voisin: il n'y avait plus de naissances).

Rag, 11 ans, fait partie des rares qui ont échappé à la peste, on ne saura jamais pourquoi. Son père est persuadé - à raison -, qu'il faut à tout prix cacher son existence, et ils errent en pleine nature, en mode survivaliste de l'extrème, en prenant soin de ne croiser personne. Le film ne nous montre d'abord pas grand chose d'autre que la complicité soudée de cet homme avec sa fille, à qui il apprend sans cesse à surveiller ses arrières, et à se préserver des issues de secours. C'est, comme dans WALKING DEAD, la certitude qu'une fois installés quelque part, il faudra en fuir à toute blinde, en prenant ses jambes à son cou.

L'adaptation de LA ROUTE par Hillcoat nous montrait de manière brutale le mal que certains peuvent faire à d'autres, via des scènes atroces de cannibalisme et autres joyeusetés. Ici, rien n'est jamais montré, tout est entrevu, et le film de Affleck a l'intelligence de nous laisser nous imaginer ce qui pourrait arriver à Rag si jamais... De la même manière, lorsque culminent quelques scènes de violence, le pire est entraperçu dans la pénombre d'une soupente où deux combattants s'agrippent et se finissent au marteau, et cette décharge de chevrotine traverse au travers d'un fauteuil, nous masquant le corps déchiqueté, derrière. 

Cinéaste plutôt habile et très délicat, il laisse à notre imagination le soin de boucher les trous. Il faut voir comment il persuade un jeune homme de lui abandonner sa voiture ("je suis plus costaud que toi, et je n'ai pas envie de te faire mal", c'est tout), comment il nous fait ressentir en très peu de plans à quel état d'abandon la disparition des femmes a laissé les hommes à eux-mêmes, qui ne savent plus faire que le minimum pour survivre. 



Casey Affleck a pris de l' épaisseur, y compris physique (il est loin le gringalet tout mignon de GERRY et de LONESOME JIM), et on reste toujours sous le charme de son regard de petit garçon soucieux et égaré, ainsi que de sa voix chuintante toujours prête à se briser. On pense quand même à ce que le comédien, empêtré dans un mini-scandale de harcèlement à l'époque de son Oscar, et en pleine vague #metoo, a voulu prouver quelque chose avec cette fable qui possède les contours nets et précis d'une excellente série B. Tout y est clair, sans gras, et on appréciera qu'au final de ce film plus pessimiste qu'il n'y parait, un homme qui aura passé ses premières années de père à préserver son enfant de toutes les vilenies, va se retrouver sauvé, soigné et protégé par une gamine. Histoire de rappeler que lorsqu'on donne tout, on finit par vous le rendre. 

La boucle est bouclée: le survivor hirsute est redevenu petit garçon, et une femme, bientôt, pourra prendre soin de lui.

On a tous besoin d'une maman.

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