samedi 9 juillet 2022

The sadness (exemple rare de critique qui change d'avis en cours de route).



Si le cinéma américain nous manque par moments, c'est peut-être durant la période estivale. Souvenez-vous: coincé en ville ou pas trop plage ni boîte de nuit, pendant que tous ces idiots se prenaient des coups de soleil ou revenaient avec des gueules de bois (et parfois avec des filles, là vous étiez jaloux), vous alliez voir des séries B idiotes, des comédies balourdes ou des films d'horreur discount. Parfois vous dénichiez la perle, et vous saouliez votre monde avec ça, avec l'impression que vous étiez le seul au monde à l'avoir vu et même, si ça se trouvait, à l'avoir compris. Tout le monde s'en foutait bien sûr, sauf vous. Le seul à rentrer de vacances blanc comme un cul.

J'aurais aimé vous sauter dessus et vous beugler à l'oreille: "allez voir The sadness, c'est génial, ça vient de Taïwan, c'est super-gore mais vous allez voir, j'avais pas vu un truc pareil depuis le dernier Romero." Enfin non, l'avant-dernier plutôt. Quelle tristesse, d'oser sortir un truc pareil (vu dans une salle art & essai en plus), alors que c'était juste bon à alimenter les plateformes de streaming. 

D'abord, The sadness est un film dégueulasse. C'est sans doute contradictoire mais jamais on aura autant fait d'effort pour faire gicler l'hémoglobine, découper les membres, torturer, violer et faire hurler que dans ce film-là, alors que pas une fois il ne m'aura fait baisser les yeux. Au deuxième doigt tranché, à la énième énucléation et au prochain agité qui dérape dans une mare de sang en rigolant, on aura compris que ce film-là n'allait pas vous faire vibrer très longtemps.


Les malades de The sadness ont donc chopé un virus qui les désinhibe tellement qu'ils commettent les trucs les plus abominables qui leur passent par la tête. Détail qui se voudrait intelligent: cette catastrophe survient après une année de "pandémie" avec masques et grippette qui n'était que les prémisses de cet Armageddon pour dégénérés. Le réalisateur, Rob Jabbaz, est un Canadien qui nous vient du film d'animation et a fait ses armes dans les studios de Taïwan, et il a compris en voyant ses classiques, Carpenter, Romero, Hooper, Miike et consorts qu'il devait raccrocher ses wagons à quelque chose d'intelligent, à consonnance politique ajoutée. Le covid c'est effectivement du sérieux, mais pour le rendre intelligent il fallait se lever plus tôt, ou réfléchir plus longtemps.


Son appétence pour le comic cradingue et le manga horrifique aura fait le reste: on se retrouve face à un objet cinématographique assez imbuvable. Le couple héroïque a beau être vraiment kawaï (Regina Lei, choupette comme tout qui marave en mini-jupe de l'obsédé sexuel à tour de bras, Berant Zhu, choupet comme tout qui joue du débardeur avec pectoraux et biceps de sortie), le film frôle l'inepte lorsqu'il cherche au bout du bout à aller toujours plus loin dans le pouah (ici un viol oculaire, un bébé beuglant dans un sac poubelle, un pauvre type découpée à la scie chirurgicale, une partouze dans des entrailles fumantes, des meilleurs et j'en passe !) 


Pour finir, je n'ai rien compris à cette histoire de tristesse, annoncée par le titre, remorquée in fine par quelques dialogues murmurés au bord des larmes par nos deux héros, dans un final qui rame beaucoup. Je ne délivrerai rien ici de ce que j'ai cru comprendre, afin d'épargner les masos qui voudraient quand même aller le voir mais la tristesse qui en ressort, celle que j'ai ressenti tout du moins est celle-ci: comment allons-nous faire pour nous faire vibrer à nouveau en nous faisant peur, en nous faisant vivre l'horreur ? Saurons-nous refaire le premier Evil dead , les premiers Zombie, la descente d'escalier de Mme Bates dans Psycho ? Cette tristesse, ce serait de se rendre compte finalement, qu'il ne nous reste plus qu'à vivre les horreurs que nous avons imaginées. 

Et voilà pourquoi j'aime écrire sur les films que je vois au cinéma: au fil des mots on finit par comprendre pourquoi et comment un film va vous trotter dans la tête encore un moment: changement d'humeur radical: allez voir The sadness si vous en avez la force, et on en reparle.



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