mercredi 15 septembre 2021

Dune, et de deux.

 


Je me souviens que Dune de David Lynch est sorti en 1984. Je me souviens même que Georges Perec était mort deux ans auparavant. Je me souviens que je m'étais précipité sur la lecture du roman de Frank Herbert juste avant que le film ne sorte. Je me souviens que j'avais trouvé le bouquin fidèle à ce qu'on m'en avait dit, un grand roman d'aventure, une saga digne de sa réputation. Je me souviens que cela ne m'avait pas donné, non plus, une envie folle de persévérer dans un genre, la science-fiction, dont j'ai toujours été un maigre lecteur, et un piètre connaisseur.

Je me souviens que j'avais trouvé le sous-texte christique un peu facile et pourtant, je n'étais pas attentif à ce genre de trucs, à l'époque.

Je me souviens que m'étais rué sur le livre parce que le réalisateur d'Elephant man allait l'adapter et que Elephant man m'avait tellement retourné la tête que je m'étais juré une allégeance éternelle à cet auteur dont j'étais loin, très loin, d'imaginer le parcours à venir. Comme tout le monde, d'ailleurs. 

Je me souviens que lorsque j'avais enfin vu le film qu'il avait tiré de Dune, je m'étais senti désarmé, comme trahi. Passer d'Elephant man à ça c'était, un peu, comme si Jacques Tati avait réalisé Les bronzés juste après Play Time. 

C'était juste pas possible.

Maintenant que l'on sait quelles difficultés ont jalonné la production du film, Dino de Laurentiis, budget pharaonique et tout ça, et quelle fut la carrière de Lynch ensuite, on peut le dire: tout est pardonné.

Je me souviens aussi que, du vivant de Georges Perec, Alejandro Jodorowsky avait voulu adapter Dune, et qu'en voyant le film de Lynch, il avait poussé un ouf ! de soulagement en constatant qu'il aurait pu faire mieux.

Je me souviens que tous les connaisseurs certifiés de l'univers de Frank Herbert n'arrêtaient pas de déclarer que Dune était, tout simplement, un roman inadaptable.

Denis Villeneuve a peut-être trouvé la solution, mais il n'ose pas le dire: il faudrait une série. Entre 6 et 12 heures saucissonnées en 6/9 épisodes, mais avec le budget de Star Wars, s'il vous plait. Pas facile.

A ceux qui trouvaient que le cinéaste canadien était le meilleur choix, je répondrai que oui, mais non.

Pour adapter tout et n'importe quoi, il est le meilleur. 

Refilez-lui un script bêton pour réactiver Blade runner, et il s'en sort avec brio. Un film noir avec serial-killer gratiné et chute mortelle qui fait mal, il prend (Prisoners). Et si on réactivait Rencontres du 3eme type en un peu  moins cul-cul mais avec des trémolos, quand même ? Mais bien sûr... (Premier contact). Un truc hyper-violent sur le cartel des drogues mexicains ?... Maaaaais oui (Sicario).



Hollywood a toujours été gâté en réalisateurs polyvalents, couteaux suisses ou québécois, peu importe, qui savent vous servir la soupe avec un maximum de grinta. A ce titre, Villeneuve me fait beaucoup penser à ce que Ridley Scott aurait pu être (un cinéaste d'un immense talent mais sans aucune personnalité) s'il n'avait débuté sa carrière, direct, avec trois-chef-d'oeuvres (Les duellistes, Alien, Blade runner, quand même...). Mais Villeneuve n'a jamais réalisé d'Alien, ni de The Thing, ni de Piège de cristal ou de Silence des Agneaux. C'est un suiveur.

Il doit le savoir et, si tout va bien pour lui, doit s'en contenter.


Avec l'avènement du numérique, Dune ça devait être du beurre: vous pouvez mettre en scène une bataille Wisigoths - Jedis - Hurons - Al-qaida en quelques clics si ça vous chante (en un peu plus, peut-être...) avec même James Dean, Jackie Kennedy ou Boris Karloff en figurants. En 2021, ça devrait être; finger in the nouze...

Eh bien non. C'est un peu morne, c'est même un peu jaune, même le sable sensément riche en épices hallucinogènes de la planète Arakis a du mal à se décider entre ballade en dromadaire autour de Marrakech et tempête simoun à 800 km/h (grande scène sensément riche en émotions fortes, absolument ratée). Bon sang, mais c'est terrible: on l'a déjà vu, ce film.

Les batailles interstellaires ont l'air de tomber du ciel au ralenti. Ce qui pourrait être un style, mais ne l'est pas.

Les vers des sables sont peut-être plus gros que chez Lynch, je n'ai pas mesuré...

Comme dans toutes les super-prods américaines actuelles, on convoque un maximum de bankables et, là aussi, c'est un peu approximatif. Seuls, peut-être, les méchants Dave Bautista et surtout Stellan Skarsgard (en vil Baron Harkonen poussah mais en lévitation) s'en sortent bien: c'est sans doute à cause de la dégueulasserie de leur personnage, grâce aussi aux effets spéciaux, pourtant bien en-dessous, pour l'époque, de ce qu'en avait fait Lynch, et qui fait du bien dans cet univers ripoliné.


A leurs côtés, ça cachetonne sec, et que dire de Javier Bardem qui jamais, sans doute, n'a été aussi mauvais, de Josh Brolin et d'Oscar Isaac qui ont déjà fait ça ailleurs, cent fois ? Frank Provost a bien bossé les mèches de Timothée Chalamet, toujours beau même avec des paquets de sable dans la gueule et il faut les voir, toutes ces stars, serrer les mâchoires dès les premiers plans l'air de dire: 

 - Ah bordel, je l'ai lu le scénario de Dune, et on va en chier, les gars.

Vous allez rigoler, mais dès le générique du début, j'ai lu "Première partie" et j'ai réalisé qu'il allait falloir que je retourne au cinéma pour voir un dénouement que je connais déjà. 

Il n'est pas sûr que j'y aille. Rester mon cul dans un siège de cinéma confortable 3h30 durant, ça m'embêtait pas plus que ça, vous savez ? Mais y retourner... Pas sûr que ça marche, votre truc.

Ah et puis... une dernière chose... vos histoires de messie sur fond de sang royal destiné à régner sur le Monde après que les tribus se soient massacré entre elles au nom du Mal et du Bien, ça va comme ça.



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